Agriculture durable : de quoi parle-t-on ?
L’agriculture durable, entre besoins présents et besoins futurs
L’agriculture durable applique les principes du développement durable à la production agricole. Ainsi, pour reprendre la définition du développement durable proposée dans le rapport Our Common Future (Notre avenir à tous – communément baptisé rapport Brundtland) publié par l’ONU en 1987, l’agriculture durable a pour objectif de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».
Pour ce faire, l’agriculture durable s’appuie sur les trois attendus du développement durable : être économiquement viable, socialement équitable et écologiquement saine.
L’agriculture durable et l’ESS partagent un même socle de valeurs. Certains projets choisissent ainsi les formes juridiques propres à l’ESS, intégrant ainsi une gouvernance démocratique et des principes de lucrativité limitée, d’autres s’en rapprochent par la finalité sociétale et environnementale de leur organisation. En parallèle, de nombreux acteurs de l’ESS s’engagent pour impulser, accompagner et financer le développement d’une agriculture durable sur leur territoire.
Se repérer parmi les différentes formes d’agriculture
Aujourd’hui, de nombreux modèles responsables d’agriculture sont pratiqués : agriculture raisonnée, agriculture biologique, agroécologie, etc. Tous ne relèvent cependant pas de l’agriculture durable. En effet, pour être durable, l’agriculture ne peut se limiter à la question environnementale mais doit intégrer les trois dimensions du développement durable et proposer une approche systémique. De manière schématique, on peut positionner les différentes formes d’agriculture comme suit.
L’agriculture durable ne correspond pas à un label ou un cahier des charges précis. Elle se définit davantage comme une démarche dans laquelle chacun peut s’inscrire afin de tendre vers un modèle en accord avec les trois piliers du développement durable – environnemental, social et économique –, et ainsi minimiser les impacts négatifs de l’agriculture sur les individus et la planète. Les fondements de l’agriculture durable incitent à développer une vision systémique et à replacer la production agricole au cœur des principaux enjeux de la société.
De ce fait, certaines exploitations certifiées Agriculture biologique peuvent entrer dans le cadre de l’agriculture durable, dans la mesure où elles intègrent une dimension humaine et sociale au-delà de l’aspect environnemental. À l’inverse, toutes les exploitations agricoles « durables » ne remplissent pas le cahier des charges de l’agriculture biologique ou font le choix de ne pas demander de labellisation, ne se reconnaissant pas dans cette appellation.
Il existe dans le mouvement de l’agriculture durable différents courants plus ou moins structurés proposant des visions assez diverses et complémentaires :
L’agriculture paysanne est un mouvement social et militant visant à défendre la cause paysanne et permettre aux producteurs de vivre décemment de leur activité tout en associant productions saines et de qualité et respect de l’environnement. La charte de l’agriculture paysanne définit 10 principes répondant aux enjeux sociaux, environnementaux et économiques de l’agriculture durable.
- Découvrez les principes de l’agriculture paysanne sur www.agriculturepaysanne.org
L’agroécologie est à la fois un mouvement social, une pratique agricole et une science, croisant agronomie et écologie. Ses piliers sont l’innovation, la recherche de modèles systémiques et le développement de modes de production respectueux de l’environnement.
- Découvrez les piliers et pratiques de l’agroécologie sur www.terre-humanisme.org ou www.mots-agronomie.inra.fr
- Consultez une cartographie des collectifs agroécologiques sur www.collectifs-agroecologie.fr
La permaculture est une approche globale concernant à la fois les modes de vie, les organisations et les systèmes agricoles. Au croisement des principes de l’écologie et des savoirs des sociétés traditionnelles, elle cherche à reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels.
- Découvrez l’approche écosystémique de la permaculture sur le site de l’Université Populaire de Permaculture.
D’autres termes sont apparus récemment, comme ceux d’agroécologie paysanne, d’agriculture résiliente citoyenne environnementale locale ou encore d’agriculture citoyenne et territoriale – terminologie notamment développée par le pôle associatif InPACT.
Concilier enjeux environnementaux, sociaux et économiques
Proposant une approche systémique et vertueuse de la production agricole, l’agriculture durable ambitionne de répondre aux nombreux défis environnementaux et sociaux et cherche à contribuer au développement des territoires. Exploration des enjeux de l’agriculture durable.
Les quatre piliers d'une agriculture durable
Promouvoir des systèmes de production respectueux de l’environnement
L’agriculture durable vise à développer des systèmes de production qui maintiennent ou enrichissent la biodiversité et la qualité des sols, les considérant comme un patrimoine collectif à préserver et transmettre. En limitant le recours aux engrais et pesticides de synthèse et en employant des méthodes naturelles, cette agriculture respecte l’équilibre des écosystèmes vivants et limite la pollution de l’air, de l’eau et du sol. Elle promeut une production plus économe en énergie et en ressources et vise à soutenir la biodiversité en favorisant une diversité génétique à travers la multiplicité des variétés cultivées.
L’agriculture durable est ainsi un formidable vecteur pour favoriser l’implication des producteurs dans la gestion environnementale de leur exploitation, notamment en encourageant la recherche pour développer de nouveaux procédés écologiques. Au-delà des effets positifs directs induits par les pratiques agricoles durables, elle permet de nombreux coûts évités, entendus comme les coûts cachés induits, par exemple, par les problématiques de santé publique (répercussions sanitaires et coûts des soins), et de déséquilibres écologiques (pollution des sols, inondations, etc.).
Zoom sur la comptabilité multi-capitaux et l'expérimentation de Fermes d'avenir pour valoriser son impact social et environnemental
Le réseau Fermes d’avenir a lancé une expérimentation autour de la comptabilité multi-capitaux, afin de redéfinir la performance économique des fermes agroécologiques en illustrant comptablement la création et la destruction de valeur économique et extra-financière. À travers la mise en œuvre d’une comptabilité multi-capitaux, les agriculteurs de la Ferme de Cagnolle, membre du réseau, ont cherché à identifier les impacts de leurs activités agricoles, avoir une meilleure visibilité de la performance globale de leur ferme et identifier les leviers d’actions pour davantage préserver les capitaux humains et naturels.
Améliorer les conditions de travail et de vie des producteurs
Afin d’assurer des conditions de travail et de vie décentes aux producteurs, le mouvement de l’agriculture durable inscrit dans ses principes une juste valorisation du travail et favorise des initiatives de lutte contre le surendettement et le salariat précarisé, très présent dans le secteur agricole notamment du fait d’un recours fréquent au chômage partiel ou de l’emploi des travailleurs saisonniers ou immigrés.
L’agriculture durable privilégie une production plus dense, multiespèces, sur une plus petite surface, permettant de limiter le recours aux machines et équipements onéreux et d’éviter ainsi la réalisation d’investissements risqués pour l’équilibre économique des exploitants.
Investis pour une juste rémunération des producteurs, les acteurs de l'agriculture durable privilégient généralement la vente directe afin de limiter la présence d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur et défendent l’idée d’un prix « juste », calculé sur la base des coûts réels de production et non déterminé par des négociations et spéculations à l’échelle nationale ou internationale.
Pour y parvenir, l’agriculture durable travaille au renforcement de la solidarité entre paysans et à la création de réseaux de soutien aux agriculteurs en transition. Les acteurs de l’agriculture durable inventent ainsi des solutions d’entraide entre producteurs pour mutualiser ressources, matériel et risques et appuyer la transmission de savoir-faire et de connaissances entre pairs.
Des modes d’organisation collectifs tels que les coopératives d’installation en agriculture paysanne (CIAP) ou les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) sont des solutions intéressantes pour imaginer de nouvelles modalités de prise de décision et de soutien réciproque et pour répondre à l’isolement des agriculteurs. Les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) dans l’agriculture permettent également de répondre en partie aux problématiques du salariat précarisé.
Rapprocher les consommateurs et les paysans
L’agriculture durable s’inscrit dans les enjeux de reterritorialisation de l’alimentation, par le développement des circuits de proximité et la reconnexion des systèmes de distribution alimentaire au territoire d’origine de la production.
Selon les travaux de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), présentés à l’occasion du colloque « Reterritorialisation de l’alimentation » de 2019, la reterritorialisation répond à la fois aux besoins de réassurance du consommateur, de relocalisation de la valeur ajoutée au bénéfice des producteurs et de redynamisation du territoire.
Du point de vue social, la reterritorialisation est d’abord source de lien social, elle permet aux agriculteurs de rompre avec l’isolement. Pour eux comme pour les consommateurs, c’est une façon d’exister, portée par la fierté de vendre sa production ou de consommer les produits de chez soi, la valorisation des bonnes pratiques et le partage des connaissances et d’un savoir-faire.
L’agriculture durable est un vecteur de lien social
L’agriculture durable est un vecteur de lien social qui recrée proximité et échange entre les producteurs et les consommateurs et encourage la gestion participative des terres et de la production. L’un des défis est donc d’accompagner l’évolution des habitudes de consommation afin de permettre la prise de conscience par les citoyens de l’intérêt de consommer des produits locaux et de saison et de payer un prix au plus près de la réalité des coûts de production, permettant de rémunérer le producteur et de renforcer ainsi l’ensemble du tissu économique du territoire.
Ce travail de sensibilisation et d’éducation du consommateur demande aux acteurs de l’écosystème de l’agriculture durable de faire preuve de pédagogie et de proposer des espaces d’échange, d’information et de rencontre entre producteurs et consommateurs, comme le fait par exemple le réseau Accueil Paysan.
Des initiatives se créent également pour favoriser la solidarité entre citoyens et paysans, que ce soit à travers une logique de consommation, un soutien financier direct, du bénévolat ou encore à travers la construction d’un plaidoyer commun.
Contribuer au dynamisme des territoires ruraux
Ancrée sur le territoire et pensée de façon systémique, l’agriculture durable crée du lien entre acteurs publics territoriaux, agriculteurs, acteurs de la chaîne de valorisation alimentaire – tels que les conserveries et les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) –, consommateurs, etc.
Elle concourt ainsi au développement économique et au dynamisme des territoires – notamment ruraux –, par le renforcement des échanges économiques et humains entre villes et campagnes.
En limitant le recours aux machines et produits chimiques, l’agriculture durable induit par ailleurs la création d’emplois locaux et le développement d’exploitations à taille humaine mieux implantées sur leur territoire. Ces initiatives de l’agriculture durable, plus attentives à la qualité de leurs emplois et à l’épanouissement de leurs travailleurs, peuvent également être des leviers d’insertion de personnes éloignées de l’emploi ou en situation de fragilité.
Découvrez notre webinaire consacré aux modalités d'action pour une alimentation durable
Réalisé en mai 2020 dans le cadre du projet Tressons et du cycle de webinaires ESS & ruralités initié par l’Avise et le RTES, ce webinaire présente les modalités d'action des acteurs de l'ESS pour apporter une diversité de solutions permettant de construire une agriculture et une alimentation durables sur les territoires.
Foire aux questions
L’agriculture durable applique les principes du développement durable à la production agricole et pour objectif de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », pour reprendre la définition du développement durable proposée dans le rapport Our Common Future (Notre avenir à tous – communément baptisé rapport Brundtland) publié par l’ONU en 1987.
Pour ce faire, l’agriculture durable s’appuie sur les trois attendus du développement durable : être économiquement viable, socialement équitable et écologiquement saine.
L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'agence spécialisée des Nations Unies qui mène les efforts internationaux vers l'élimination de la faim, définit cinq principes constitutifs d'une agriculture durable :
- L'agriculture durable vise à améliorer l’efficacité dans l’utilisation des ressources.
- La durabilité exige des actions directes pour conserver, protéger et mettre en valeur les ressources naturelles.
- Une agriculture qui ne réussit pas à protéger et améliorer les modes de vie ruraux et le bien-être social n’est pas une agriculture durable.
- L’agriculture durable doit améliorer la résilience des populations, communautés et écosystèmes, en particulier en matière de changement climatique et de volatilité du marché.
- Une bonne gouvernance est essentielle pour garantir la durabilité des systèmes tant naturels qu’humains.
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