État des lieux des pratiques de l'évaluation de l'impact
Pratiques de l’évaluation de l’impact en France
Différents niveaux de pratiques de l’évaluation de l’impact
D’après l’étude Expérience de l’évaluation d’impact social, menée par l’Avise avec l’Agence Phare, toutes les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) ont une appréhension de leur impact, même si elles ne mènent pas toutes des évaluations formalisées.
L’étude distingue quatre niveaux de pratiques de l’évaluation de l’impact, qui s’inscrivent en continuité les uns des autres.
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La validation au ressenti ou appréhension par l’expérience : l’impact, considéré comme présent car central dans la conception du projet, est évalué par l’observation non formalisée ou par des indicateurs très simples.
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Le bricolage : l'élaboration d'indicateurs est effectuée dans le but de répondre à des financeurs, souvent dans l’urgence, et le manque de ressources ne permet pas d'engager un travail plus approfondi d’évaluation.
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La mesure par les outils : ce type d’évaluation, généralement issue d’une réflexion en amont, s’effectue sur un temps plus long et s’appuie sur des méthodes formalisées permettant d’associer ses parties prenantes.
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La revendication d'une scientificité : via la mise en œuvre de méthodes considérées comme robustes car généralement accompagnées par des laboratoires de recherches.
Si, aujourd’hui, la grande majorité des entreprises de l’ESS et leurs partenaires comprennent l’intérêt d’évaluer leur impact et sont en capacité de pratiquer les niveaux 1 et 2, le passage aux niveaux 3 et 4 soulèvent la question de l'accompagnement et du financement des démarches d'évaluation.
Un exemple de démarches scientifiques : le projet Territoires Zéro chômeurs longue durée
Le projet Territoires Zéro chômeurs longue durée, qui vise à rendre effectif le droit à l’emploi, en permettant à toute personne au chômage de longue durée d’accéder à un emploi en CDI, a été l’objet de plusieurs méthodologies d’évaluation, dont plusieurs à dimension scientifique. Ces démarches ont notamment été présentées dans le cadre du réseau Social Value France en 2021. La Fonda a également publié en 2022 le rapport Territoires zéro chômeur de longue durée : quelle création de valeur ? qui présente les résultats d’une enquête initiée en 2019 portant sur la mise en œuvre du projet sur quatre territoires différents.
Les évaluations formalisées progressent mais des freins subsistent
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67 %
des acteurs de l’ESS mènent des démarches d’évaluation
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83 %
ont recours à des prestataires
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55 %
mobilisent des ressources humaines en interne
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76 %
des financeurs ont pleinement intégré l’évaluation de l’impact à leurs pratiques
Selon le Panorama de l'évaluation d'impact social en France réalisé en 2021 par l’ESSEC et l’Impact Tank, 67 % des entreprises de l’ESS mènent des démarches d’évaluation de l’impact. Un pourcentage en hausse puisqu’ils n’étaient que 53 % en 2018 selon le Baromètre de la mesure d’impact social, réalisé par le cabinet de conseil et d’audit KPMG.
Selon le Panorama dressé par l'ESSEC et l'Impact Tank, les motivations des entreprises de l’ESS pour évaluer leur impact sont de plusieurs sortes. Il s'agit de :
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mieux connaître les effets de leur action (83 %) ;
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rendre des comptes à leurs partenaires (69 %) ;
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améliorer la connaissance de leurs bénéficiaires et de leurs besoins (52 %) ;
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communiquer auprès de leurs parties prenantes (52 %) ;
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préciser l’ambition et la finalité du projet (46 %).
Par ailleurs de plus en plus d’acteurs, cherchent à évaluer de façon intégrée leur impact, c‘est-à-dire mettre en œuvre des démarches qui prendraient en compte à la fois l’impact environnemental, l’impact social, l’impact économique, etc.
Pour autant, des freins subsistent, notamment concernant la complexité des méthodes (51 %) et les moyens disponibles (47 %) pour mener à bien une démarche d’évaluation.
Du côté des financeurs, 76 % ont pleinement intégré l’évaluation d’impact à leurs pratiques ou montent en puissance sur le sujet : un chiffre également en nette progression puisqu’ils n’étaient que 56 % en 2018 selon le Baromètre réalisé par KPMG. Les financeurs ont recours à des approches méthodologiques similaires à celles des entreprises de l’ESS, relativement simples et peu coûteuses. Ils sont cependant nombreux à privilégier des méthodes plus standardisées (42 %), qu’il s’agisse de leurs propres standards ou de standards internationaux (Objectifs de Développement Durable, IRIS, Impact Management Project, etc.).
Pour en savoir plus sur les enjeux et pratiques d’évaluation de l’impact social des fondations, consultez l’interview d’Anne Fleury, responsable de la programmation au Centre Français des Fondations.
Un rapprochement de pratiques entre évaluation de l’impact social et évaluation des politiques publiques
D’après le Baromètre publié par la Société Française d’Évaluation en 2018, de plus en plus d’entreprises de l’ESS sollicitent des évaluateurs de politiques publiques pour mener des démarches d’évaluation de l’impact social. En effet, bien qu’elles aient des origines et finalités différentes, il existe une proximité et une porosité entre ces pratiques.
Un travail conjoint mené par le réseau Social Value France et la Société Française de l’Évaluation en 2021 propose un premier niveau d’analyse comparée de ces pratiques évaluatives et éclaire leurs spécificités et points de convergence (objectifs des démarches, acteurs impliqués, définition de l’impact utilisée, méthodes et outils employés, etc.).
Pratiques de l’évaluation de l’impact en Europe et dans le monde
Un engagement politique récurrent sur l’évaluation de l’impact social
Dans le cadre de sa politique économique et sociale et de son soutien à l’entrepreneuriat social et à l’innovation sociale, l’Union Européenne s’engage dans l’évaluation de l’impact social des projets qu’elle finance.
L’Acte pour le marché unique II (2012) précise ainsi que "la Commission [Européenne] développera une méthode pour mesurer les gains socio-économiques que les entreprises sociales produisent. La mise au point d’outils rigoureux et systématiques permettant de mesurer l’impact des entreprises sociales sur la communauté (…) est essentielle pour démontrer que l’argent investi dans celles-ci est source d’économies et de revenus importants."
En février 2014, pour répondre à cette directive, un sous-groupe du Groupe d’experts de l’entrepreneuriat social auprès de la Commission européenne (Geces) a élaboré le rapport Mesure de l'impact social : approches à l'échelle européenne visant à conseiller la Commission européenne dans l’établissement d’outils pour mesurer l’impact du Fonds d’entrepreneuriat social européen (EuSEF) et du Programme pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI). Ce rapport propose une méthodologie commune, identifie des standards de mesure de l’impact social et propose des orientations et des conseils pour mettre en œuvre ces standards.
L’engagement de l’Union Européenne pour le développement des pratiques d’évaluation de l’impact social a été réitéré dans le plan d’actions de la Commission européenne pour l'économie sociale 2021-2030. L’une des mesures de ce plan vise à soutenir « le développement de la mesure et de la gestion de l’impact social en recensant et passant en revue les pratiques existantes et en lançant des formations pour les acteurs de l’économie sociale, afin de les aider à mieux comprendre ces pratiques et à les adopter plus facilement ».
La Commission prévoit en outre de participer à l’élaboration de « méthodes standard simples d’évaluation de l’impact social pour les acteurs de l’économie sociale dans l’UE en 2023. »
L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est saisie du sujet de l’évaluation de l’impact social dès 2015, avec la publication Mesure de l’impact social des entreprises sociales, qu’elle a réalisé avec la Commission européenne. Cette publication présente les enjeux et les défis liés à la mesure de l’impact social et fournit des exemples concrets de méthodes de mesure.
L’OCDE a publié en 2021 un nouvel état des lieux des pratiques des entreprises de l'ESS en matière d'évaluation de l'impact social, dans le cadre de son action pour la promotion des écosystèmes de l'économie sociale et solidaire, financée par l'Union Européenne. Dans ce cadre, l’OCDE a également soutenu six consortiums internationaux d’échange de pratiques, dont deux sur l’évaluation de l’impact social.
Le réseau Social Value France, animé par l’Avise, a participé au consortium piloté par Social Value USA, mobilisant 26 organisations réparties dans 13 pays, visant à favoriser l’engagement des parties prenantes dans l’évaluation de l’impact social.
Des travaux mutualisés entre réseaux européens et internationaux
Plusieurs réseaux internationaux dédiés à l’évaluation de l'impact social existent afin de faciliter le partage de pratiques et de ressources, comme le réseau Social Value International (dont l’Avise est membre) ou le Global Impact Investing Network (GIIN), qui rassemble des investisseurs à impact.
Le réseau québécois TIESS (Territoires innovantes en économie sociale et solidaire) anime de son côté la plateforme collaborative Passerelles, qui vise à partager les expertises et accroître les collaborations. Cette plateforme propose un espace dédié à la question de l'évaluation de l'impact.
Des initiatives de mutualisation d’indicateurs ou d’outils de reporting ont aussi vu le jour en Europe et dans le monde, notamment dans les pays anglo-saxons :
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la base d’indicateurs IRIS proposée par le Global Impact Investing Network ;
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le guide pratique de l'European Venture Philantropy Association, association qui vise une implication plus forte du mécène dans l'accompagnement des projets et une plus grande attention portée aux résultats et à l’impact ;
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l’impact management project, cadre d'analyse des projets à impact utilisé par plus de 2 000 structures à l'international.