Évaluation d'impact, RSE et cadre légal
L’évaluation de l’impact social
Le Conseil Supérieur de l’Économie Sociale et Solidaire définit l’impact social comme « l’ensemble des conséquences (évolutions, inflexions, changements, ruptures) des activités d’une organisation sur ses parties prenantes [internes et externes] ».
L’évaluation de l’impact social se définit comme la démarche visant à comprendre, mesurer et valoriser les effets, positifs ou négatifs, d’une organisation sur ses parties prenantes. L’évaluation de l’impact social va donc plus loin que les démarches RSE ou les démarches qualité qui se limitent à l’analyse des pratiques de l’organisation. Évaluer son impact social, c’est évaluer le changement généré par la mise en place de ses activités et sa contribution à une finalité sociale ou environnementale.
L’évaluation de l’impact social cherchant à servir à des prises de décision futures par les dirigeants, les équipes ou les partenaires dans un contexte donné, elle reste toujours une démarche propre et spécifique à la structure, même si elle peut s’appuyer sur des méthodes et des référentiels de mesure existants.
Démarches et labels RSE
La définition de la RSE est fixée par la Commission européenne et interroge les pratiques des organisations en matière sociétale et environnementale. Les agréments et statuts, encadrés par la loi, permettent une inscription « administrative » de l’engagement porté par l’organisation (inscription de l’objet social, du mode de gouvernance, etc.).
La Commission européenne définit la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ». Elle complète : « Afin de s’acquitter pleinement de leur responsabilité sociale, il convient que les entreprises aient engagé, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique […] dans leur stratégie de base. »
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ou responsabilité sociétale des organisations (RSO) interroge ainsi les pratiques des organisations de tout type, selon une grille de critères préalablement définis, avec pour référence la norme ISO 26 000. Cette évaluation porte sur l’organisation de l’entreprise, ses objectifs, ses pratiques internes, ses activités, etc.
Si des labels RSE existent (Engagés RSE de l’AFNOR, LUCIE, BCorp, etc.), d’autres outils permettent d’engager une dynamique d’amélioration sans passer par une certification ou une autre forme de reconnaissance officielle :
- le Guide des bonnes pratiques de l’ESS du Conseil Supérieur de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) ;
- la partie gestion de l’outil Valor’ESS, développé par l’UDES ;
- l’Impact Score, piloté par le Mouvement Impact France.
L’étude « Entreprises labellisées RSE : Qui sont-elles ? » réalisée en 2020 par le cabinet Goodwill Management décrypte les différents labels RSE et dresse le profil type de l’entreprise labellisée.
L’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale), encadré par la loi du 31 juillet 2014, permet aux entreprises commerciales de bénéficier de la finance solidaire, sous réserve de poursuivre une utilité sociale à titre d’objectif principal, d’encadrer le caractère lucratif des activités et la rémunération des salariés et de mettre en œuvre une gouvernance démocratique.
La qualité de société à mission, encadrée par la loi Pacte du 22 mai 2019, est une qualité reconnue aux sociétés qui s’engagent à respecter des engagements sociaux et environnementaux qu'elles se donnent pour mission de poursuivre dans le cadre de leur activité, via l’inscription de ces éléments dans ses statuts. L’ambition des sociétés à mission est de contribuer positivement à la société et à l’environnement.
Toute société, quelle que soit sa forme, peut adopter volontairement la qualité de « société à mission », sous réserve qu'elle respecte les conditions requises : la qualité de société à mission est une qualité et non une nouvelle catégorie juridique. Il n'est donc pas nécessaire de changer de forme juridique pour devenir une société à mission.
Les conditions à remplir pour prétendre à l’inscription de la qualité de société à mission dans ses statuts consiste à y inscrire :
- Une « raison d’être » : un engagement destiné à guider la société dans son orientation économique, c’est-à-dire, les principes que la société s’engage à respecter dans ses investissements.
- Des objectifs sociaux et environnementaux, qui doivent pouvoir être évalués et contrôlés
- Le mode de suivi de l’exécution de sa mission : la société doit mettre un place un comité de mission, distinct des autres instances de l’entreprise et chargé exclusivement de l’exécution de la mission de l’entreprise. Il doit être composé d’au moins 1 salarié et présenter annuellement un rapport à l’assemblée générale des associés.
Comme les labels, les démarches qualité interrogent l’ensemble des pratiques de l’entreprise. La différence réside dans le degré d’intégration de la démarche au fonctionnement de l’organisation. Si le label vise une conformité des pratiques de l’entreprise selon un référentiel externe, la démarche qualité vise l’atteinte d’objectifs définis par l’entreprise elle-même dans sa politique qualité, selon les orientations et enjeux poursuivis. Ces objectifs peuvent être plus larges que ceux définis dans un label en particulier (par exemple, la satisfaction des bénéficiaires).
La démarche qualité s’entend donc comme un outil de pilotage de l’organisation, intégré au management de la structure. Elle peut également servir de base à la rédaction d’un cahier des charges en vue de l’obtention de labels officiels, qui s’appuient souvent sur la norme ISO 9001. La conformité à une norme ne doit cependant pas devenir un objectif en soi de la démarche qualité : celle-ci doit rester un outil d’amélioration continue.
Réglementations et cadres légaux
Plusieurs textes de lois définissent en France et en Europe le cadre légal de la mise en œuvre des politiques RSE pour les entreprises et les structures de l'ESS.
En France, deux lois définissent les contours de la responsabilité sociale des entreprises.
- La loi sur le devoir de vigilance (2017) : cette loi stipule que les sociétés qui emploient depuis deux ans plus de cinq mille salariés (en son sein et dans ses filiales) et dont le siège social est en France, doivent établir un plan de vigilance. Ce plan est défini ainsi dans le texte de loi : "Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle".
- La loi PACTE - plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises - (2019) : cette loi vise à favoriser un meilleur partage de la valeur créée par les entreprises avec les salariés et à permettre aux entreprises de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans leur stratégie. La loi PACTE permet de valoriser les politiques RSE dans les entreprises à travers 3 mesures :
- l’intérêt social devient un impératif de bonne gestion des sociétés.
- dans leur gestion, les sociétés doivent prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité (RSE).
- la possibilité d'inscrire une raison d’être dans les statuts de la société.
- La directive européenne « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD), applicable depuis le 1er janvier 2024, impose aux moyennes et grandes entreprises la publication d’un reporting de durabilité incluant la communication de données financières et ESG (environnement, social, gouvernance). Elle renforce les exigences de la Non-Financial Reporting Directive (NFRD). La CSRD vise ainsi à combler l’écart entre le reporting financier et de durabilité en demandant la publication d’un rapport de transparence sur la durabilité, intégré au rapport de gestion et audité par des organismes tiers indépendants. La première étape pour l’entreprise est de réaliser une analyse de « double matérialité » qui implique d’analyser les risques environnementaux sur l’entreprise et les risques de l’entreprise sur l’environnement. Une fois cette analyse réalisée, il existe des standards qui orientent la collecte de données avec un accent mis sur l’environnement là où les données quantitatives sont plus nombreuses :
- Sur le volet environnemental, 5 ESRS (European Sustainability Reporting Standards) (E1 Changement climatique, E2 pollution, E3 ressources marines et en eau, E4 Biodiversité et écosystèmes et E5 Utilisation des ressources et économie circulaire)
- Sur le volet social, 4 ESRS (S1 Main d’œuvre de l’entreprise, S2 Employés de la chaîne de valeur, S3 Communautés concernées et S4 Consommateurs et utilisations)
- Sur le volet gouvernance, 1 ESRS (G1 Conduite commerciale).
Pour l’année 2024, seules les entreprises déjà soumises à la directive sur la publication d'informations non financières en vigueur depuis 2018 étaient concernées par la CSRD. Dès 2025, elle s’appliquera à toutes les entreprises remplissant deux des critères suivants : plus de 250 salariés, plus de 50 millions € de chiffres d'affaires, plus de 25 millions € de total de bilan. Dès 2026, la CSRD sera étendue aux PME cotées en bourse.
- La réglementation « Sustainable Finance Disclosure Regulation » (SFDR), adoptée en 2019, concerne la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, et couvre donc tous les acteurs – banques, assurances, sociétés de gestion, conseillers financiers, etc – proposant des services financiers au sein de l’UE. Cette réglementation vise à lutter contre le greenwashing réalisé par les gestionnaires de produits financiers et à encourager plus de transparence.
Le règlement divise les produits en trois catégories :
- Les produits sans objectif de durabilité (article 6)
- Les produits avec des caractéristiques environnementales ou sociales (article 8)
- Les investissements durables (article 9).
Le niveau d’exigence de reporting peut être variable car il n’implique pas le contrôle d’un organisme tiers indépendant et n’est pas soumis au cadre d’un label spécifique.
- La taxonomie verte est un système de classification des activités économiques considérées comme durables. L’entreprise doit identifier ses activités couvertes par la taxonomie, c’est-à-dire qui sont susceptibles d’apporter une contribution substantielle à un objectif environnemental. Trois conditions sont à remplir pour qu’une activité soit considérée comme durable :
- Contribuer de façon substantielle à un des six objectifs environnementaux,
- Ne pas causer de préjudice important aux autres objectifs environnementaux,
- Respecter les garanties minimales sociales et sociétales.
Évaluation de l’impact, labels, RSE, démarche qualité : que choisir ?
Des finalités proches
Les usages et bénéfices de ces démarches peuvent être proches :
- contribuer aux enjeux externes de la structure (valorisation du projet auprès des parties prenantes ou du grand public, facilitation d'accès à des financements, etc.) ;
- installer une dynamique d’amélioration continue interne à la structure ;
- contribuer au repositionnement de l’action et de la stratégie de l’entreprise et si besoin mettre en place une dynamique collective de changement.
Des périmètres différents
Il est possible de classer ces différentes démarches en deux catégories :
- Celles qui évaluent le fonctionnement et les pratiques d’une organisation, c’est-à-dire ce qu’elle met en œuvre en matière de ressources, de pratiques internes, de stratégie, etc. On retrouvera ici les agréments, les labels, les démarches RSE et les démarches qualité ;
- Celles qui évaluent ce que l’organisation, notamment ses activités, fait évoluer chez ses parties prenantes ou sur la société. On retrouvera ici l’évaluation de l’impact au sens strict.
Un label ou une démarche RSE permettra par exemple d’analyser si oui ou non, une structure cherche à avoir de l’impact et quels sont les moyens qu’elle met en œuvre pour l’atteindre ; l’évaluation de l’impact permettra de dire dans quelle mesure cet impact est effectivement réalisé.
Quel(s) type(s) de démarches choisir ?
Deux principaux critères de décision peuvent aider à choisir la démarche la plus pertinente :
- Le contexte dans lequel évolue la structure et les objectifs recherchés : à l’externe, l’obtention d’un label peut par exemple permettre de se distinguer dans un environnement concurrentiel auprès de ses clients et bénéficiaires, tandis qu’une évaluation de l’impact peut permettre de convaincre des financeurs de l’utilité sociale de son projet. En interne, la mise en place d’une démarche qualité pourra permettre d’installer des processus et une organisation durable dans une recherche d’efficience, tandis qu’une évaluation de l’impact vise à mieux comprendre ses effets et à faire évoluer ses pratiques, voire d’innover dans son action.
- Les moyens mobilisables et le niveau d’ambition que la structure souhaite atteindre : certains labels sont plus exigeants que d’autres ; la mise en place d’une démarche qualité implique une réflexion poussée de la structure sur les objectifs qu’elle souhaite atteindre ; une évaluation de l’impact peut engager une structure dans un projet complexe, qui viendra interroger sa raison d’être, son modèle organisationnel, etc.
Chaque structure est libre de choisir la démarche qui lui convient le mieux selon ses objectifs et ses moyens, avec toutefois une exigence de transparence sur la démarche employée et les résultats produits. Afin de lancer la réflexion, plusieurs sites et centres de ressources existent, comme la plateforme RSE proposée par France Stratégie, le dossier RSE de l’Afnor ou encore le centre national de ressources sur l’évaluation de l’impact de l’Avise.