Anne Patault, Vice-présidente déléguée à l'Innovation sociale
Votre engagement dans la vie politique locale et régionale remonte à quelques années. Qu'est-ce qui vous amène aujourd'hui à prendre en charge cette responsabilité régionale en matière d'innovation sociale ?
Avant de m’engager dans la vie politique, j’étais consultante en organisation et conduite du changement. J’intervenais beaucoup dans le domaine de l'économie sociale et solidaire : réalisation de missions d’accompagnement dans le cadre du Dispositif local d'accompagnement, production de projets stratégiques associatifs…
En 2010, je suis devenue Conseillère régionale et je suis depuis 2009 Conseillère municipale de Renac, commune rurale d’Ille-et-Vilaine d’environ 1 000 habitants. Jean-Yves Le Drian, Président de la Région Bretagne, m’a confié une vice présidence et la délégation de référente des pays de Redon et des vallons de Vilaine. Ainsi mon profil est lié au développement économique et local avec des responsabilités qui me permettent d'avoir un double ancrage régional et un ancrage territorialisé, local et à l'échelle de deux pays.
Au cours de mon premier mandat d’élue régionale, j’ai pris en charge la délégation jeunesse, ce qui m’a permis de travailler sur des questions transversales et intégrées à l’ensemble des politiques sectorielles, à la manière de l’ESS.
Alors que votre prédécesseure, Laurence Fortin, était Conseillère régionale déléguée à l’ESS, vous êtes Vice-présidente déléguée à l'Egalité et à l'Innovation sociale. Que signifie ce changement et qu'implique-t-il ?
C’est un changement important que d’avoir une Vice-présidence et pas seulement un Conseiller régional en charge de ces sujets.
Certains acteurs se sont inquiétés de la disparition de l'ESS dans l’intitulé de la délégation mais je les ai rassurés. Nous considérons l’ESS comme un levier de l’innovation sociale. L’ESS s’est créée pour répondre aux besoins non couverts, dans les domaines du handicap, des services aux personnes par exemple ... et elle l’a fait en s’appuyant sur le bénévolat, puis en créant des emplois, puis en structurant ces réponses. J’aime rappeler à l’ESS qu’elle a vocation à explorer des domaines où le marché ne s’aventure pas, en construisant des modèles conciliant viabilité économique et innovation sociale.
Cette inclusion de l'ESS dans l'innovation sociale permet d’ouvrir les champs et de montrer que nous attendons du secteur qu’il participe à l’innovation sociale territoriale.
Créant de nouveaux modèles économiques et des emplois, l'ESS est aussi un outil de développement économique. C’est pourquoi les services régionaux chargés de l’ESS sont intégrés à la Direction Economie.
Quelles sont vos ambitions en matière d’ESS pour ce nouveau mandat ?
Stimuler l’ESS, faire en sorte qu’elle continue à se développer sur les territoires au plus près des besoins, valoriser ces initiatives qui représentent plus de 14% des emplois de la région, continuer à structurer le secteur en lien avec la CRESS et les Pôles de développement de l’ESS….
Selon moi, l’un des principaux enjeux est de réussir à soutenir l’émergence des projets sur les territoires, à capter les besoins, à accueillir l’innovation, à accompagner les porteurs de projets vers l’entrepreneuriat. Les idées sont nombreuses et il faut les encourager. Nous devons êtes capables d’ouvrir la porte d’entrée « ESS » aux entrepreneurs auxquels cette orientation peut convenir.
Un autre enjeu est de parvenir à couvrir des besoins encore importants, en particulier en milieu rural où il faut construire des réponses accessibles. On attend que l’ESS parte à la reconquête de ces territoires, qu’elle soit « tête chercheuse » et expérimente de nouvelles réponses.
Plus généralement, il s’agit d’accompagner les entreprises de l’ESS à s’adapter à l’environnement institutionnel, politique, législatif pour qu’elle reste performante.
La Bretagne est la première Région à avoir soutenu l’expérimentation des Coopératives Jeunesse de Services (CJS). Quel regard portez-vous sur le développement de ce modèle ?
Le modèle de la CJS s’installe dans le pays et séduit de nombreuses collectivités. En Bretagne, le projet est co-conduit par les Coopératives d’Activités et d’Emplois (CAE) et les Pôles de développement de ESS.
Les coopératives soulèvent beaucoup d’enthousiasme chez les jeunes et dans les collectivités. Alors que l’âge d’entrée dans la vie adulte est de plus en plus tardif, ces démarches permettent aux jeunes de faire l’apprentissage de l’autonomie mais aussi à travailler ensemble.
Le dispositif est soutenu financièrement par la Région Bretagne au titre de l’animation régionale et, au titre de l’animation locale, pour les animateurs et le fonctionnement.
Quels sont les autres chantiers et projets sur la table ?
En partenariat avec l’Etat, nous cherchons à modéliser le processus d’incubation des projets innovants. La création de trois incubateurs en Bretagne en complément de l’incubateur rennais Startijen nous en fournit l’occasion. Nous réfléchissons également aux complémentarités possibles avec l’action des Départements. Nous souhaitons que l’ensemble des initiatives construisent un processus cohérent, en lien avec la politique d’aménagement du territoire mais aussi de développement durable.
Plus particulièrement, je pense qu’il y a nécessité de soutenir les dispositifs d’émergence de projets, pour répondre aux besoins et aux envies des habitants et pour mieux mobiliser les élus autour des initiatives citoyennes. Ce mode d’émergence et de conduite de projet demande aux uns et aux autres un apprentissage et nous réfléchissons à des modalités d’accompagnement.
Un autre chantier est en cours sur les achats responsables. Ce travail s’intègre à une réflexion plus générale de la Région qui étudie ses responsabilités dans le cadre de ses politiques d’achat et émet des préconisations à ses partenaires. Nous sommes très attendus sur ce sujet, particulièrement par les entreprises adaptées et par les entreprises d’insertion.
En raison de la prise de compétences des intercommunalités en matière de développement économique, la Région travaille à la définition de nouvelles collaborations dans ce domaine. Pour éviter que les structures de l’ESS ne soient mises de côté, je leur conseille d’être dans le paysage, de se faire connaître des communautés de communes, quand ce n’est pas déjà le cas... Les intercommunalités doivent prendre conscience que l’ESS est pourvoyeuse d’emplois et de développement économique.
La Conférence régionale de l’ESS bretonne aura lieu à la fin de l’année. Comment s’organise le processus de concertation ?
En Bretagne, le contexte est un peu particulier. Notre SRDEII 2014-2020 (Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation), qui définit ce que nous appelons la « Glaz économie », a déjà été voté en décembre 2013. L’innovation sociale et citoyenne y est définie comme l’un des sept domaines d’innovation prioritaires.
Toutefois, comme prévu dans la Loi ESS, nous organiserons notre Conférence régionale avant la fin de l’année, en partenariat avec la CRESS et la plateforme des acteurs de l’ESS du territoire qui rassemble les réseaux ESS. A cette occasion, le travail amorcé par la CRESS sera consolidé ainsi que celui réalisé par l’Etat et les Départements. La feuille de route de l’ESS qui sera produite précisera le domaine concerné du cadre global, le SRDEII, qui restera le référentiel de la Régon.
Propos recueillis par Pauline BIAN-GAZEAU