Comment innover avec ses bénéficiaires pour développer de nouveaux services ?
Innover avec ses bénéficiaires, un levier de changement d'échelle
L’Avise anime depuis 2017 un groupe de travail sur les stratégies d’innovation comme levier de changement d’échelle qui a abouti à la publication du guide : S’engager dans une démarche d’innovation. C’est dans le prolongement de ces travaux que l’Avise a organisé un cycle de webinaires dédié à la participation des bénéficiaires dans les démarches d'innovation.
Emilie Losse, chargée d’accompagnement à l’incubateur Première Brique (Toulouse), Pierre Mérigaud, directeur de l’innovation à Autonom’lab (Limoges) ont témoigné de leurs expériences d’innovation avec leurs bénéficiaires et Mai-liên Nguyen-Duy, facilitatrice au sein du collectif Co-design it ! a apporté son regard d’expert du sujet.
Développer un projet avec et pour les habitants des quartiers politique de la ville
L’incubateur Première Brique porte une Fabrique à Initiative, méthode innovante de création de projets en partant des besoins des territoires et en associant l’ensemble des parties prenantes.
Première Brique a initié une exploration sur les enjeux alimentaires dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Dans ce cadre, une enquête a été menée auprès d'acteurs clef (chefs de projets QPV, conseils citoyens, centre sociaux, …) afin de construire des hypothèses de travail. Des ateliers associant l’ensemble des parties prenantes ont, ensuite, permis d’explorer les différentes options possibles : le projet VRAC (Vers un réseau d’achat en commun), né à Lyon, a ainsi été choisi pour engager un essaimage tenant compte des spécificités locales à Toulouse.
Trois collèges ont été créés au sein de l’association toulousaine afin d’inclure habitants, personnes morales et financeurs. En amont, le temps de mobilisation des bénéficiaires a été conséquent (environ un an et demi). Il a toutefois permis de construire une adhésion forte entre les habitants et financeurs. Dès sa création, l’association a compté 150 adhérents et les financements obtenus ont permis le recrutement d’une première salariée.
Mobiliser les bénéficiaires intermédiaires et finaux pour développer de nouveaux services
Autonom Lab est un living lab dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées et handicapées dans le Limousin. Placer l’usager au cœur des services qu’il rend est son ADN.
Une application pour les aidants non-professionnels a par exemple été conçue en mobilisant des aidants non-professionnels - un public peu reconnu et qui s’ignore en partie - lors de plusieurs ateliers de conception et de tests. Cette méthode a permis de supprimer l’écart entre les besoins projetés par les organisations à l’origine du projet et les besoins réels exprimés par les aidants non-professionnels. Cela a également permis de faire émerger des éléments nouveaux.
Autre exemple, un rallye des métiers de l’aide à domicile a été élaboré en partenariat avec des bénéficiaires intermédiaires de l’action d’Autonom Lab : une quinzaine d’employeurs et d’organismes publics agissant dans le secteur de l’aide à domicile. Tous ont croisé leurs regards pour faire connaître leurs métiers, répondre aux idées reçues nombreuses sur ces métiers et proposer un parcours à la carte. Ce rallye a été expérimenté puis dupliqué dans deux autres territoires.
Innover avec ses bénéficiaires pour développer de nouveaux services : conseils et points d’attention
Les témoignages soulignent l’enjeu fort de temporalité : innover avec ses bénéficiaires nécessite de prendre le temps, en amont du projet. « On n’est pas toujours sûrs du résultat mais on est sûrs de l’intérêt de la démarche » témoigne Autonom Lab.
Il s’agit également de connaître l’écosystème d’acteurs pour choisir les bénéficiaires à mobiliser et ensuite mener des actions de médiation dans lesquelles la posture d’écoute est primordiale, d’autant plus lorsque les bénéficiaires ne se sentent pas légitimes pour s’exprimer sur le sujet exploré.
Pour cela, Mai-liên Nguyen-Duy recommande de diversifier les supports d’échange à travers l’écrit mais aussi le dessin, la discussion ou encore la mise en situation. Elle sensibilise également au risque de « facipulation » (facilitation-manipulation), même involontaire, quand l’acteur qui mobilise des bénéficiaires a déjà une idée du résultat qu’il souhaite atteindre, notamment par conviction. Pour réduire ce risque, définir les champs sur lesquels les bénéficiaires seront décisionnaires est essentiel.
>> Revisionnez également le webinaire Comment innover avec ses bénéficiaires pour consolider son projet stratégique ?, animé par l'Avise le 29 mai 2020.