Contrats à Impact : où en est-on ?
Les Contrats à impact en quelques mots
Nés en Grande-Bretagne sous le nom de Social Impact Bonds, les premiers contrats à impact ont été lancés en France en 2016. Nouvel outil de financement des innovations sociales, le contrat à impact a pour objectif de favoriser la levée de fonds privés pour financer des programmes sociaux dans une logique d’expérimentation sociale.
Le principe général du contrat à impact est le suivant : un investisseur privé finance un projet social, porté par une structure de l'économie sociale et solidaire, et en assume le risque financier, évitant ainsi la mobilisation de fonds publics. A l'issue du projet, un dispositif d’évaluation indépendant doit permettre d’établir de façon objective et opposable l’atteinte des objectifs du programme et engage, selon la réussite du projet et l'impact social constaté, le remboursement, avec intérêts, de l'investissement par la puissance publique. En cas de non atteinte des objectifs fixés à l'élaboration du contrat à impact, l’investisseur n’obtient pas de remboursement de la part de l'autorité publique.
Retour d’expérience des premiers contrats à impact
Six contrats à impact ont été créés suite à l’appel à projets lancé en France en 2016 (portés par : l'ADIE, Apprentis d’Auteuil, Article 1, Impact Partenaires, La Cravate Solidaire et Wimoov).
Ces premiers contrats à impact ont pu fournir, quatre ans plus tard, des retours d’expériences solides sur les conditions d’utilisation et de réussite de cet outil financier singulier qu’est le contrat à impact.
Plusieurs ressources sont disponibles, notamment le rapport dit « Lavenir » sur le développement du Contrat à Impact au service des politiques publiques de 2019, les publications proposés par FAIR ainsi que le guide méthodologique de BNP Paribas.
Parmi les principaux retours d’expérience, on notera plusieurs conditions de réussite pour le porteur de projet associatif et pour le décideur public :
- L’existence d’un projet déjà identifié et délimité avec un impact quantifiable
- Un horizon d’impact « pas trop lointain » (3 à 6 ans)
- Une taille suffisante du projet
- La possibilité de définir un petit nombre d’indicateurs « déclencheurs »
- Une capacité opérationnelle de la structure à suivre et mesurer des indicateurs (système d’information, procédures internes, moyens dédiés…)
D’une manière générale, le contrat à impact doit permettre un soutien financier à des projets portant des innovations sociales importantes et non financées au travers des formes de soutien plus traditionnelles de la puissance publique (subventions, appels à projet…). Le dispositif du contrat à impact n’a donc pas vocation à remplacer d’autres modes d’intervention publique mais plutôt proposer un mode de financement supplémentaire. Le rapport Lavenir est clair sur le sujet : « Le CI n’est pas adapté à toute intervention publique, loin de là. Et tout projet porté par une association n’est pas finançable par un CI. »
De nouvelles perspectives pour les contrats à impact
L’arrivée d’Olivia Grégoire, Secrétaire d’Etat à l’Economie Sociale Solidaire en septembre 2020 a donné un nouveau souffle au dispositif. Considéré comme la « première passerelle tangible entre une économie sociale et solidaire qui souhaite changer d’échelle et des investisseurs qui font le choix de la responsabilité » (Communiqué officiel septembre 2020), les contrats à impact vont de ce fait dépasser le stade expérimental et devenir un vrai levier d’action publique.
Trois nouveaux appels à manifestation d'intérêt ont ainsi été ouverts ou sont en passe de l'être, ciblant des politiques publiques précises. Ce point marque une rupture avec l’appel à projets de 2016 dont la cible restait général. Les enjeux de transition écologique sont également intégrés. Chacun de ces appels à manifestation d'intérêt sera doté d’une enveloppe de 10 millions d’euros pour une dizaine de projets financés.
Les trois nouveaux appels à manifestation d'intérêt :
- Contrats à impact "Economie circulaire", visant à faire émerger des solutions innovantes sur l’économie circulaire (réemploi, réduction des déchêts, gaspillage) : huit projets ont été sélectionnés pour un montant total de 27,3 millions d’euros.
- Contrats à impact "Egalité des chances économiques", visant à faire émerger des innovations venant répondre aux enjeux de l’égalité des chances économiques (non-discrimination, territoires prioritaires, lutte contre l'exclusion) : 4 projets ont été sélectionnés pour un montant total de 12,3 millions d’euros.
- Contrats à impact "Innover pour l'accès à l'emploi", concentré sur l’innovation dans l’accès à l’emploi (insertion des jeunes, mobilité, maintien en emploi des personnes souffrants de troubles de santé) : quatre projets ont été sélectionnés en mars 2022, puis cinq nouveaux projets ont été sélectionnés pour un montant total de 13 millions d'euros.
Le 28 janvier 2022, le premier contrat à impact de développement français à l'international a été signé. Dédié à l'amélioration de la santé et de l'hygiène menstruelle en Ethiopie, il est opéré par CARE France, pré-financé par BNP Paribas et payé par l'Agence Française de Développement et le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères si les résultats du projet sont validés au terme de l'évaluation.
>> En savoir plus sur ce Contrat à Impact
En juillet 2021, Bruno Le Maire et Olivia Grégoire confiaient à Thomas Cazenave la mission de former et de conduire un groupe de travail afin d’élaborer des propositions visant à développer les Contrats à impact (CI) en France. Publié en janvier 2022, le rapport expose les freins au développement des CI et les 5 propositions formulées pour les lever.
Zoom sur le dispositif d’évaluation d’impact dans un contrat à impact
Dans le contrat à impact, un point en particulier mérite beaucoup d'attention : l’évaluation d'impact.
Celle-ci tient une place déterminante car le remboursement des investisseurs privés par la collectivité repose sur les résultats objectivés par l’évaluateur. Le choix des indicateurs pour vérifier l'atteinte des objectifs est donc déterminant mais peut s’avérer complexe, car il s’agit de concilier l’objectif de performance sociale et le risque financier auquel les investisseurs sont prêts à consentir. Ce choix est le résultat d’une négociation entre les parties prenantes et l'accord passé peut donc largement influencer la portée du projet.
Le rapport Lavenir avance trois facteurs clés de succès dans la mise en place de dispositifs d’évaluation :
- La définition d’une vision commune des objectifs fondamentaux du projet
- Une compréhension par chaque acteur de la logique et des contraintes des autres acteurs
- Une renonciation à la complexité et à la recherche de la perfection au profit d’une approche simplifiée et conforme aux objectifs de politique publique
Dans un article de la Tribune Fonda, l’Avise propose un décryptage sur les enjeux de l'évaluation d’un contrat à impact. Le choix d’indicateurs de mesure, en suivant les préconisations du rapport, est essentiel pour répondre à l’enjeu financier d’un contrat à impact, qu'est le paiement des investisseurs. Pour autant, l’enjeu d’expérimentation sociale doit également être couvert par l’évaluation, au travers par exemple d’approches contrefactuelles (preuve de l’impact) ou qualitatives (compréhension des effets, analyse des conditions de réussite d’un projet).
Le dispositif d’évaluation dans un contrat à impact doit ainsi faire varier les approches : indicateurs permettant le remboursement des investisseurs, analyse contrefactuelle et qualitative, etc.