Denis Hameau, vice-président en charge de l'ESS et président de la Commission ESS de Régions de France
De votre point de vue, quels sont les grands défis à relever par les régions en 2018 concernant le développement de l’Economie sociale et solidaire ?
En 2018, les régions ayant fusionné devraient maintenant arriver au bout de ce processus qui a nécessité un gros travail, notamment vis-à-vis des CRESS, des fédérations d’acteurs etc. Elles font face à un premier défi, celui de dresser le bilan à l’issue de ce travail de fusion et voir où elles en sont. Elles devraient commencer à avoir des projets à l’échelle de ces nouvelles régions.
Deuxième volet important, la labellisation et l’appui aux dispositifs d’ingénierie territoriaux, sachant qu’avec la suppression des contrats aidés il y a de nombreuses structures en difficulté dans les régions.
Enfin, sur la dynamique engagée par le Ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), il faut regarder concrètement avec l’Etat ce qu’il souhaite faire sur la partie French Impact. Entre les annonces, les ambitions et les décisions, il y a des choses à regarder, des initiatives à la fois porteuses de dynamiques, mais il y a également des attentes par rapport à la suite.
Le Haut-Commissaire à l’ESS a justement affirmé sa volonté de travailler en étroite collaboration avec les collectivités. Quel pourrait être le rôle des régions autour de cet Accélérateur ?
Tout d’abord, Régions de France a accueilli le 7 décembre 2017 le Haut-Commissaire pour échanger sur l’ESS avec l’ensemble des régions. Un rendez-vous au MTES avait également eu lieu en amont pour porter la parole des régions de manière à ce que les choses ne se fassent pas en chambre et de manière verticale.
Ensuite, il est important de poursuivre le travail d’articulation entre les projets de l’Etat et ce qu’il se passe en région de manière à ce qu’on amplifie les dynamiques plutôt que de recréer des dispositifs, rentrer dans des labels, remonter des dossiers etc., ce qui serait un gâchis d’énergie.
Nous sommes plutôt dans cet état d’esprit : il faut essayer de passer à l’échelle des actions qui fonctionnent au niveau local, les déployer au niveau national. A titre d’exemple, sur la thématique de la mobilité : puisque toutes les régions regardent leur schéma régional de mobilité, et si on veut que ces schémas n’excluent personne, il est nécessaire de travailler sur la mobilité inclusive avec les initiatives locales qui fonctionnent pour les démultiplier.
Souhaitez-vous nous partager une initiative innovante de l’ESS qui vous aurait particulièrement inspiré ?
Les initiatives sont importantes, mais l’ingénierie qu’on développe dans les territoires pour les soutenir l’est plus encore. Comment détecter un besoin de manière méthodique et structurée ? Comment à partir de ce besoin trouver des structures ou des porteurs ? Comment monter un modèle économique, apporter de l’ingénierie financière, de la formation pour les porteurs, comment accompagner la réussite de ces projets ? C’est cela qui me semble important, plutôt que de mettre en lumière un individu ou une structure spécifique.
Toutes les initiatives sont extraordinaires à partir du moment où elles créent du lien social là où il n’y en avait pas avant. Peut-être qu’à partir de là on pourrait faire reculer le vote Front National. Les gens sont désespérés, ils ont plein d’idées et de choses à proposer mais ne sont pas toujours armés pour cela. Les régions doivent pouvoir apporter ce soutien, jusque dans les endroits les plus reculés, non pas pour leur dire ce qu’ils doivent faire mais pour les aider à réussir ce qu’ils ont envie de faire. L’objectif général doit être de faire reculer la désespérance et de faire grandir l’espoir.
Des exemples, il y en a plein : des épiceries solidaires, des cafés solidaires, des entreprises d’insertion, des chantiers d’insertion. Toutes les structures font des choses extraordinaires mais il faut amener l’ingénierie pour les développer et les accompagner, et pour cela, le budget des régions n’est pas suffisant. L’Etat doit s’appuyer sur ces structures et renforcer l’ingénierie et les moyens qui y sont dédiés plutôt que de recréer un accélérateur national, car les projets sont locaux et non nationaux.