Développer et animer son réseau : l’expérience des Petites Cantines
Rencontre avec Bertrand Vial, coordinateur général chez Les Petites Cantines.
Quel projet social poursuit l’association Les Petites Cantines ?
Les Petites Cantines sont nées à Lyon en 2015. C’est un réseau non lucratif d’associations de cantines de quartiers qui ont trois caractéristiques principales : elles sont participatives, en alimentation durable et à prix libre. Aujourd’hui, 7 cantines sont en activité : trois à Lyon, une à Strasbourg, une à Lille, une à Annecy et une à Paris. Une dizaine d’autres sont en construction en France et une à Bruxelles. Notre objectif est de développer le réseau en facilitant l’ouverture de nouvelles Petites Cantines par l'accompagnement des habitants à monter leur propre association : l’ancrage local est très important.
Au fur et à mesure du développement de nouvelles cantines, on s’est demandé comment on était capables d’accompagner ces nouveaux porteurs de projet sans perdre l’ADN des Petites Cantines. C’est cet équilibre entre développement et pérennité des valeurs initiales qui guide aujourd’hui l’accompagnement proposé par le réseau.
A quels besoins répond le projet d’essaimage des Petites Cantines ?
Les convives des Petites Cantines s’y rendent pour rompre un sentiment d’isolement, pour faire de nouvelles rencontres ou pour partager un bon repas. L’impact social recherché, au-delà de ces attentes, est de permettre l’augmentation de leur pouvoir d’agir, que ce soit au niveau de la participation à la gouvernance de l’association locale ou de la création d’emplois locaux (l’ouverture d’une Petite Cantine permet de créer 1 à 2 postes de maître.sse de maison). On s’est rendu compte que cet impact social était le plus fort dans un rayon d’1 km autour de la cantine. Pour le démultiplier, il fallait donc créer de nouvelles cantines.
Quelles ont été les étapes clefs de l’essaimage des Petites Cantines et quel accompagnement est proposé par le réseau ?
La première Petite Cantine a été créée à Lyon Vaise et a très bien marché. On en a donc monté deux autres à Lyon, puis des porteurs ont demandé l’importation du concept dans leur ville. On a décidé de les suivre, avec une posture d’accompagnement. Au fur et à mesure, on a commencé à voir les éléments clés : le projet devait être porté par un collectif de 2 ou 3 personnes dans une ville de 20 000 habitants minimum. On s’est rendu compte que si l’activité que nous utilisions était la restauration, notre vrai métier était l’animation de communauté.
Petit à petit, nous avons mis en place une sorte de « processus d’intégration » en créant la formation « Ca mijote », sur 2 jours. Cela nous a permis de concentrer les demandes entrantes sur deux jours par mois et d’avoir une petite rentrée d’argent.
Ensuite, les porteurs qui sont prêts nous adressent une fiche projet. Si le projet nous parait faisable, nos « développeurs de talents » les accompagnent. Le principe des Petites Cantines étant le prix libre, la formation l’est elle aussi, même si on suggère un coût de 100€ pour les deux jours. En place depuis bientôt 2 ans, ces formations sont devenues mensuelles et se déroulent en présentiel ou en visio, pour permettre au plus grand nombre d’y accéder.
Quels étaient les enjeux du développement du réseau ?
On s’est aperçu qu’on avait formalisé de plus en plus de choses alors que notre valeur fondamentale était la simplicité. Pour contrer cette dynamique, on a travaillé plusieurs semaines à la rédaction d’une Charte ADN. Elle regroupe 16 piliers fondamentaux qui font qu’une Petite Cantine en est une. Un des principes est que tout ce qui n’est pas interdit par cette Charte est autorisé. Ce mode de fonctionnement permet de ne plus gérer au cas par cas les situations et de renforcer le pouvoir d’action des maîtresses et maîtres de maison et des équipes locales. On a aussi mis en valeur le principe de communauté apprenante pour que les bonnes pratiques développées dans une petite cantine soient reprises dans d’autres. Cela passe par exemple chaque mois par « l’appel des cantines » auquel toutes les cantines (ouvertes ou en montage) peuvent participer pour échanger et demander des conseils.
Nous avons également mis en place un « Chantier convives » : je suis parti à la rencontre des convives sur tout le territoire pour leur demander à quoi ressemblait une expérience réussie dans les Petites cantines. Grâce à cette démarche, nous avons pu qualifier ce qu’est une bonne expérience pour pouvoir la transmettre.
Nous travaillons aussi autour d’un parcours d’accueil au sein des Petites Cantines, à destination de toutes les personnes qui rejoignent le réseau, et notamment des nouveaux administrateurs. Pendant six semaines, les nouveaux et anciens membres vont recevoir 6 vidéos qui expliquent l’ADN des petites cantines, les outils utilisés, les pratiques etc. Pendant longtemps, nous avons concentré notre attention sur les nouvelles Petites Cantines, en oubliant que, dans celles existantes, un important renouvellement des forces vives nécessitait aussi un parcours d’accueil. Chaque équipe de porteurs a donc un accompagnateur attitré, un « développeur de talent » qui propose un coaching individuel. Des journées de contribution croisées de 2-3 jours sont aussi organisées pour que les équipes se retrouvent et échangent sur divers sujets (recherche de financement, aménagement du local etc.)
Avec le recul, quels conseils donneriez-vous à toute structure souhaitant essaimer ?
Nous avons rencontré des difficultés, notamment liées à la nature de l’engagement associatif. Nous mélangeons des salariés (principalement actifs en journée la semaine) et des bénévoles (surtout disponibles les soirs et weekend) qui n’ont pas nécessairement le même rythme. C’est pour cela que « l’appel des cantines » est entre midi et 14h, mais cela crée des journées à rallonge. Parfois, les demandes de contribution émises par l’équipe support se traduisent par un sentiment de sur-sollicitation pour les équipes locales par rapport aux demandes de l’équipe.
Je conseille d’expliciter clairement et dès le début la dynamique de don-contre don propre au principe de communauté apprenante : ceux qui se lancent reçoivent énormément de la communauté et pourrons donner à leur tour. On insistait moins sur cette règle au début des Petites Cantines : notre dynamique de communauté apprenante est donc grandissante car les nouveaux porteurs l’ont intégré dès leur formation.
Enfin, il faut se rappeler qu’on marche sur deux jambes : l’impact social et l’équilibre économique. Il faut veiller à ne pas en oublier une au profit de l’autre, au risque de se mettre en difficulté.
L'Avise finance les projets de l'économie sociale et solidaire
En complément de ses activités d’agence d’ingénierie pour développer l’économie sociale et solidaire (ESS), l’Avise est organisme intermédiaire du Fonds social européen (FSE) au niveau national depuis 2004. Cette mission consiste à soutenir financièrement, à travers des appels à projets, des initiatives visant la création, le maintien et le développement d’emplois dans l’ESS.
> En savoir plus sur la mission de financement de l'ESS de l'Avise