Interview
Lauréats FSE

Digitaliser ses activités pour changer d’échelle : l’expérience de La Cravate Solidaire

Publié le 05 janvier 2022 - Mise à jour le 25 février 2022
L’association La Cravate Solidaire est lauréate de l’appel à projets 2020-2021 du Fonds Social Européen (FSE) « Soutenir le changement d’échelle des entreprises de l’ESS créatrices d’emploi », dont l’Avise est Organisme Intermédiaire. Elle a pu, dans ce cadre, financer la digitalisation de son activité pour maximiser son impact social en touchant de nouveaux bénéficiaires.
Rencontre avec Gilliane Therville, chargée du projet Coup de Pouce à la Maison au niveau national et Manon Amram, en stage de fin d’étude sur le programme.

Quel projet social poursuit La Cravate Solidaire ?

La Cravate solidaire est une association créée en 2012 pour lutter contre la discrimination à l’embauche, basée notamment sur l’apparence. L’activité a débuté avec la récupération de dons de vêtements adaptés au contexte professionnel. Nous avons ensuite étendu notre offre pour prendre en compte les discriminations liées aux codes non verbaux tels que la posture, etc.

Aujourd’hui, La Cravate solidaire compte 13 associations en France. Ces associations sont autonomes et réunies par une convention de réseau. Elles proposent un accompagnement individuel en présentiel de 3 heures, réparti en plusieurs phases : un temps d’accueil et de discussion autour du parcours professionnel, une heure de coaching en image, une deuxième de coaching en ressources humaines puis une séance photo dans le studio.

Avec le Covid-19, toutes les associations ont temporairement fermé leurs portes. Cela a posé la question de la continuité de l’accompagnement. La Cravate Solidaire Bordeaux a réussi, dans l’urgence, à poursuivre ses actions à distance. Par la suite, le réseau d’associations a voulu diffuser et pérenniser ce nouveau type d’accompagnement.

A quels besoins répond cette digitalisation de l’accompagnement ?

D’abord, nous avons été sollicités par de nombreuses structures dans des territoires où nos associations n’étaient pas présentes. L’accompagnement digital nous a ainsi permis de toucher un nouveau public, résidant dans les territoires ruraux ou péri-urbains, qui ne pouvait pas accéder aux séances de coaching en présentiel. En 2021, la digitalisation nous a ainsi permis d’accompagner presque 600 personnes supplémentaires au niveau national, chiffre qui est amené à minima à doubler l’année prochaine.

Ensuite, nous nous sommes rendus compte que cette digitalisation permettait aussi d’adapter les modules d’accompagnement aux besoins des bénéficiaires. Au fur et à mesure, l’accompagnement en ligne s’est construit comme un complément à celui que nous faisons en présentiel. L’objectif est de créer une logique de parcours adaptable et complet. Pour réussir cela, il fallait une refonte complète et une mutualisation des outils entre les associations.

Comment avez-vous mis en place l’accompagnement digital ?

En qualité de tête de réseau, nous proposons des outils mutualisés clés en main pour faire gagner du temps aux associations La Cravate Solidaire. Nous avons d’abord présenté le projet à la gouvernance du réseau, dont font partie toutes les associations qui ont validé et adapté aux spécificités locales les outils proposés. Au total, la mise en place de ce dispositif nous a pris 4-5 mois environ. Ce qui a été fait pendant le Covid à Bordeaux l’a été dans l’urgence en deux semaines. On a eu donc besoin de prendre du recul par la suite sur les pratiques en cours pour penser ce vers quoi on voulait tendre.

Du côté du parcours bénéficiaire, il n’y avait pas de suivi automatisé : tout était réalisé sur des Google sheets à la main et les prises de rendez-vous et rappels étaient fait au cas par cas par mail, ce qui était très chronophage. Il y avait un vrai enjeu de recréer un processus. Nous avons donc travaillé avec un développeur informatique qui nous a aidé à construire des outils dédiés qui permettent de collecter, trier et centraliser toutes les informations. Ces outils et les boîtes mails sont reliés à un outil central qui permet d’avoir une vue d’ensemble. Destinés au départ au programme Coup de pouce à la maison, ces outils vont finalement être utiles plus largement à toute l’association. On estime qu’ils permettent de gagner entre 5 et 6 heures par semaine.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

La digitalisation de nos activités nous a permis de travailler avec de nouveaux partenaires et notamment avec des missions locales rurales. Cela a été difficile car là où le tissu associatif est plus faible, les acteurs ont moins l’habitude de travailler en synergie. Etablir un lien de confiance a pris du temps, en moyenne 3 à 4 rendez-vous.

Nous avons également rencontré quelques difficultés dans la prise en main des outils : nous les avons assimilés au fur et à mesure et adaptés aux besoins mais puisqu’ils sont tous interconnectés, cela nécessitait à chaque fois de remodifier ce qui avait été fait avant pour que ça soit compatible.

L’autre difficulté est celle de l’accompagnement au changement d’outil et de pratiques. Pour le projet Coup de Pouce à la Maison cela n’a pas posé de problème puisque les acteurs ont directement utilisé le nouvel outil. En revanche, nous devons reformer ceux qui, agissant au niveau national, étaient habitués à l’outil précédent. La difficulté est ainsi surtout due au chevauchement entre les deux manières de fonctionner.

La digitalisation a-t-elle permis de maximiser l'impact social ?

L’objectif du projet FSE est de développer le programme Coup de pouce à la maison au niveau national, c’est-à-dire de le développer dans des territoires où nous n’avons pas d’association déjà implantée. La Cravate Solidaire limitant l’ouverture d’associations à 2 par an, la digitalisation a permis de commencer à lancer des activités sur plus de territoires qui étaient en demande sans pour autant avoir besoin d’ouvrir une association. Grâce à ce travail d’ingénierie sur ce projet, financé par l’Avise via le FSE, nous avons pu commencer à accueillir les candidats il y a 2 semaines. Pour l’instant, on compte 26 bénéficiaires, 38 bénévoles formés et 25 sessions individuelles menées. Au sein des associations, sur des logiques de parcours en présentiel, on dénombre 530 personnes accompagnées digitalement depuis le début de l’année.

Il y a donc un impact quantitatif mais aussi un impact qualitatif. En effet, l’accompagnement est beaucoup plus individuel, modulable et adaptable. Dans le programme Coup de Pouce à la maison, il y a 5 modules différents, ce qui permet de choisir et de créer un parcours au plus proche des besoins des bénéficiaires.

Avec le recul, avez-vous des conseils à donner ?

Nous avons rencontré un problème de timing : l’outil était prêt pendant l’été, or toutes les structures étaient fermées. D’un autre côté, cela nous a permis de résoudre les problèmes techniques, de tester les automatismes et de former de grosses communautés de bénévoles prêtes à se lancer en septembre.

De plus, il nous a été vital de se faire accompagner sur la stratégie numérique, sa mise en œuvre et la construction des outils. Nous avons pu bénéficier d’une mission d’un développeur informatique qui a adapté les solutions à notre projet et nous a accompagné dans la maitrise des outils informatiques.

L’objectif maintenant est de s’autonomiser. On a été quelques-uns à être formés sur le déploiement des outils informatiques : le but est qu’on dissémine ce savoir-faire dans les associations locales. C’est le rôle du responsable des opérations nationales qui va se déplacer dans les associations pour accompagner la mise en place de ces nouveaux outils.

 

>> En complément de ses activités d’agence d’ingénierie pour développer l’économie sociale et solidaire (ESS), l’Avise est organisme intermédiaire du Fonds social européen (FSE) au niveau national depuis 2004. Cette mission consiste à soutenir financièrement, à travers des appels à projets, des initiatives visant la création, le maintien et le développement d’emplois dans l’ESS.
En savoir plus : https://www.avise.org/territoires/europe

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