L’accès aux vacances, enjeu social et économique des territoires
Les vacances, marqueur de la fracture sociale
40 % des Français ne partent pas en vacances chaque année. « Le chiffre monte à 60 % pour les Français qui vivent avec moins de 1200 euros par mois, c’est une injustice terrible », précise Marc Pili, délégué général de Vacances ouvertes.
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Le littoral concentre plus de la moitié des flux touristiques nationaux. Une des solutions: le tourisme social et solidaire. Acteur pivot du droit aux vacances, il est aussi un opérateur économique important de zones moins courues et pourtant attractives du territoire.
Les régions
Les régions soutiennent l’économie touristique par la promotion de leurs destinations et l’appui aux opérateurs. Dans certaines d’entre elles, l’axe tourisme relève également de l’engagement à rendre le départ possible. « Les vacances c’est sortir du quotidien. Et les neurosciences nous le disent : l’être humain n’est pas fait pour rester sur place, la plasticité cérébrale demande de la mobilité et de la rencontre », analyse Marc Pili dont l’association a permis en 2018 à plus de 15 000 personnes de construire et financer leur projet de séjours via des associations (centres sociaux, associations d’insertion, etc.) formées à l’accompagnement de projets par Vacances ouvertes.
Soutenir les projets de vacances
La région Nouvelle-Aquitaine soutient ce travail depuis 18 ans en s’appropriant le dispositif Sac Ados, rebaptisé DestiNAction en Nouvelle-Aquitaine. 150 associations accompagnent 5 000 jeunes (dont 4 000 bénéficient d’aides) pour partir à un coût négligeable, grâce notamment à une dotation en Chèque-Vacances de l’ANCV.
La région Auvergne-Rhône-Alpes se préoccupe de la même manière de nourrir la culture des vacances des jeunes. L’opération Génération montagne cible les séjours collectifs et scolaires mais aussi individuels avec l’idée de « réenchanter l’imaginaire lié à la montagne », explique Lionel Flasseur, directeur général d’Auvergne Rhône-Alpes Tourisme. Lancée il y a trois ans, l’opération a touché cette année les jeunes de 8 à 25 ans via une campagne d’influence qui les guide vers les 150 offres construites avec les acteurs de territoire dont ceux du tourisme social : « nous n’opposons pas les genres et nous sommes persuadés que notre vision d’un tourisme bienveillant se fera avec tous. Mais l’ESS est un acteur essentiel. C’est même une revanche pour ces acteurs au moment où nous défendons un tourisme durable ».
En effet, au-delà d’un tourisme inclusif et respectueux de l’environnement, un des axes de cette politique est de miser sur la croissance des flux touristiques vers les 80 % du territoire régional où le tourisme est peu développé. L’atout du tourisme social est d’avoir toujours été ouvert à accueillir hors des sentiers battus. La région a encore innové en 2020 avec la création d’un fonds de dotation chargé de porter des projets en phase avec leur manifeste du Tourisme bienveillant. Essentiem a, notamment, financé l’opération 5 000 jeunes à la montagne par une aide au transport, complété par l’intervention de l’ANCV.
Investir dans le tourisme social
Les régions peuvent aussi intervenir en finançant, en partie, les projets de rénovation des hébergements afin de les adapter à l’évolution de la demande - que ce soit pour être en capacité de diversifier les publics accueillis (familles, familles recomposées, senior…) ou pour améliorer la qualité écologique des infrastructures.
C’est le cas en Nouvelle-Aquitaine où l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT) travaille avec le conseil régional et l’Ademe. Ce financement de l’investissement est complémentaire du recours au fonds Tourisme social investissement (TSI), géré depuis une dizaine d’années par la Caisse des dépôts dont les bénéficiaires sont principalement les gros réseaux du tourisme social.
Là encore, les régions soutiennent le rôle territorial du tourisme social : « C’est aussi un vecteur de développement socio-économique avéré pour des territoires ruraux et de montagne. Il contribue à l’emploi direct et indirect aussi par l’approvisionnement local, l’achat d’activités », explique François Boissac, directeur du Tourisme au conseil régional Nouvelle-Aquitaine.
Les départements
Les départements, du fait de leur compétence en matière sociale (RSA, Aide sociale à l’enfance, dépendance, etc.), ont eux vocation à soutenir l’aide au départ. Il en est de même des caisses d’allocation familiales qui abondent les financements départementaux et régionaux d’aide au départ auprès des associations de proximité.
Le positionnement des conseils départementaux est toutefois relativement inégal. Certains s’y engagent même dans une logique de renforcement de l’écosystème touristique. Ainsi, le département de Haute-Savoie s’est associé avec la région pour venir en aide aux centres de vacances indépendants face à la crise sanitaire via une prise en charge du remboursement d’emprunts allant jusqu’à 50 000 euros. Cette aide d’urgence contribue au partenariat existant entre les deux collectivités et poursuivant l’objectif de développer l’attractivité touristique du département.
Les communes
Au sein de leur politique jeunesse, les villes disposent régulièrement d’une politique d’accès aux vacances constituée d’une offre de séjours et parfois de l’exploitation d’hébergements. Elles apportent aussi leur soutien aux associations de proximité qui accompagnent les projets de jeunes, familles ou seniors en situation précaire et souhaitant partir en vacances.
Même s'il est plus rare pour les communes de porter une politique affichée de vacances pour tous, à Poitiers, l’exécutif élu en juin 2020 s’est doté d’une délégation dédiée. Sa première mesure, réalisée en urgence à la fin du confinement, a été de débloquer 200 000 euros permettant de faire partir 900 enfants et jeunes adultes en vacances. C’est Ekitour, association devenue Scop, qui a développé le programme pour la municipalité : « nous avons construit la programmation et nous sommes allés faires les inscriptions dans les centres sociaux de quartiers populaires. Notre démarche était d'accompagner les gens à l'inscription, de la rendre possible », explique Daniel Lodenet, président d’Ekitour.
En 2021, l’opération Vacances pour toutes et tous a été renouvelée avec un budget doublé à 400 000 euros et, désormais, un service municipal structuré. La moitié a été fléché vers les associations de proximité et l’autre moitié a été allouée via un marché public à des opérateurs de l’économie sociale et solidaire, dont Ekitour, pour construire une offre de séjours adaptés aux différents publics. Leur objectif est de permettre 1 500 départs sur l’été grâce aux cinq opérateurs de voyage et aux quelques associations de proximité.
Ainsi, si le leadership régional est clair, les collectivités infra régionales agissent aussi. Reste que tous les territoires ne s’approprient pas au même niveau l’enjeu des vacances pour tous. L’enjeu de transition écologique de l’économie et l’impact du tourisme de masse pourrait inciter certains d’entre eux à réviser leurs priorités.
En savoir plus
>> Consultez le dossier thématique Tourisme social et solidaire, édité par l'Avise en juin 2021
>> Consultez le décryptage Concilier droit aux vacances pour tous et respect des territoires d’accueil, publié par l'Avise en juin 2021