Le projet AJITER sur l'accueil des jeunes adultes dans les territoires ruraux
Comment est né le projet AJITER et quelles sont ses ambitions ?
Ce projet est né de la rencontre entre cinq structures oeuvrant dans des champs variés mais complémentaires autour du développement rural : à travers le prisme de l'accès aux services pour l'ADRETS, l'accès à la culture pour l'Union fédérale d'intervention des structures culturelles (UFISC), la formation et l'éducation populaire pour le CREFAD Auvergne, la dynamisation d'espaces d'échange et de convialité pour le Réseau des Cafés culturels associatifs et le développement durable pour CIPRA France.
Suite à l'appel à projets MCDR lancé par le Réseau rural national, nous avons souhaité répondre à un constat partagé par nos structures : plusieurs facteurs préoccupants interrogent l’aptitude des territoires et des acteurs présents à prendre en compte la place des jeunes adultes en leur sein, enjeu pourtant crucial pour conduire les dynamiques de développement et de transition. Démographie vieillissante des territoires, difficultés d’accès à l'emploi, aux services ou au logement pour les jeunes adultes... Autant d'enjeux que nous souhaitons adresser dans ce projet pour envisager le potentiel des jeunes adultes tant les initiatives qu’ils peuvent conduire que dans les ressources qu’ils apportent au territoire, en tant que force agissante qui peut et doit expérimenter, questionner, participer à l’élaboration des nouveaux projets de territoire et des politiques de développement rural qui y sont attachés.
Le projet AJITER, piloté par l'ADRETS avec ces quatre partenaires, propose un programme de capitalisation et de de diffusion des bonnes pratiques, avec le repérage d'expériences innovantes, une analyse fine multi-thématiques des enjeux, freins et leviers, plusieurs expérimentations conduites dans les territoires pour explorer de nouvelles pistes et manières de faire, et enfin des recommandations vers les politiques publiques, à une échelle nationale et en lien avec les autres pays européens.
Depuis le début du projet, avez-vous identifié quelques leviers d’action pour renforcer la création et la réussite de projets d’ESS en milieu rural ?
Nous en sommes encore au stade du repérage et de la compréhension fine de ces leviers, mais à ce jour nous pouvons avancer quelques observations sur la création d'activités de l'ESS en milieu rural, un des leviers en soit pour que les jeunes adultes puissent rester et vivre "au pays", notamment en créant leur propre emploi.
Je pense en premier à l'importance de la mise en réseau et la coordination des acteurs jeunesse sur un territoire (intercommunalité, département), et même plus largement des acteurs socio-professionnels, de l'emploi et de la formation, pour favoriser la continuité de l'accompagnement des jeunes et pour coordonner l'ensemble des dispositifs et actions qui leur sont dédiés. Il s'agit souvent de rendre visibile et lisible, pour que réellement les jeunes adultes reçoivent l'information, bénéficient d'un accueil, d'une écoute et d'un accompagnement pour transformer leur idée d'initiative ou de projet ESS jusqu'à sa mise en oeuvre.
Je pense ensuite à la pertinence de penser de nouvelles manières de "faire" l'accompagnement, par exemple en proposant un véritable séjour d'immersion sur le territoire, la découverte et la mise en réseau avec les acteurs et structures de l'ESS, les habitants, mais aussi à des formes de compagnonnage, de parrainage dans la durée, ou encore bien sûr d'outils pour tester son activité tout en étant accompagné.
Enfin et c'est non exhaustif, je pense à l'enjeu essentiel d'offrir des espaces de rencontre et d'échanges spéciquement pour les jeunes, souvent en laissant la complète autonomie dans la gestion et les projets du lieu. Il s'agit de faciliter la dynamique collective, l'émergence d'idées et la création de projets d'utilité sociale ou relevant du champ de l'ESS, avec le soutien d'acteurs de l'accompagnement, de l'emploi, ou de l'éducation populaire.
Avez-vous des exemples d’initiatives innovantes que vous avez pu relever pendant la phase de repérage ?
L'exemple de la mise en réseau et la coordination de 3 structures de l'accompagnement qui proposent une véritable continuité de parcours d'accueil et d'accompagnement des jeunes adultes nous a inspiré en Ardèche Méridionale. Vers Privas, l'association Le Mat, AmeSud et le réseau ITESS ont monté une école de projets "EVEIL", qui permet l'immersion des jeunes dans un lieu magique, l'éclosion de l'idée, des accompagnements individuels et collectifs, un compagnonnage, vers le test de l'activité en coopérative éphémere... Les résultats sont étonnants, et la proposition pédagogique gage de réussite du parcours, quel que soit le projet du jeune accueilli, pour "vivre et travailler autrement".
Je pense aussi à la Maison de Services au Public de Pélussin dans la Loire qui est devenue un véritable pivot du développement local, en proposant de multiples services sociaux et économiques, de la garde d'enfant à la permanence CCI ou Pôle Emploi, un espace de coworking... De sorte que les potentiels porteurs de projets ou indépendants, sont accueillis pour "d'autres raisons" et d'autres besoins (par exemple la parentalité). C'est un enseignement pour explorer de nouvelles pistes pour penser la détection des porteurs de projet.
Enfin, j'aimerais citer le tout récent tiers-lieu dédié aux jeunes et à l'émergence d'initiatives dans le Finistère, l'Espace 2D à Morlaix, entièrement géré par et pour les jeunes, avec le soutien et l'appui des institutionnels (Missions locales, Points Information Jeunesse...) et aussi d'associations de jeunes qui portent eux-mêmesdes associations et activités de l'ESS.
D'après moi, c'est le type d'initiatives à suivre pour envisager la dynamisation de lieux, de manières de faire pour faciliter l'émergence d'activités de l'ESS sur un territoire... de même que les Campus Ruraux de projets (Gâtines dans le Maine et Loire) ou les Fabriques du Monde Rural portées par le MRJC.
Quelles sont les prochaines étapes du projet AJITER ?
Pour le consortium de partenaires, l'année 2020 va être riche. D'abord, nous aurons la conduite d'expérimentations comme la 2e édition de La Caravane des Possibles, un accompagnement en itinérance de jeunes menée par le CREFAD Auvergne, ou encore un EducTour en itinérance dans les Alpes pour découvrir le territoire et ses métiers par CIPRA France.
De son côté, l'UFISC va mener une vaste enquête sur l'accès à la culture en milieu rural et le Réseau des cafés culturels associatifs va proposer des formations dédiées à la création de cafés ou cantines solidaires, et la prise en compte des jeunes en leur sein. De son côté, l'ADRETS va accompagner un ou deux territoires alpins dans une démarche plus stratégique et de mise en action.
Enfin, la co-écriture d'un Livre blanc, fruit de nos analyses et identification des enjeux, freins et leviers, sera un temps fort du partenariat et sera présenté lors d'évenementiels dédiés à la jeunesse tels que la présidence française de la Stratégie macro-régionale alpine (EUSALP), qui permettra de croiser les regards avec des initiatives et acteurs européens et de valoriser nos résultats à destination des décideurs et politiques publiques.
>> Retrouvez plus d'information sur le site de l'ADRETS et sur le site du projet AJITER.
>> Le projet AJITER et le projet TRESSONS font partie des 21 lauréats de l'appel à projets Mobilibisation collective pour le développement rural (MCDR) lancé par le Réseau rural national et soutenu le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).