Le P'tit Déj Avise : Comment structurer et faire évoluer sa gouvernance, de la création au changement d’échelle ?
Article 1 : une gouvernance refondue pour soutenir la fusion de Frateli et Passeport Avenir
L’association Article 1, qui œuvre en faveur de l’égalité des chances pour tous les jeunes, est née en 2018, à la suite de la fusion des associations Frateli et Passeport Avenir. Très proches par leurs visions et ambitions, mais aussi par leurs stades de développement, les deux structures ont fusionné sous l’impulsion conjointe de leurs deux dirigeants respectifs, Boris Walbaum et Benjamin Blavier. L’enjeu était alors de maximiser leur impact auprès des jeunes mais aussi de se donner les moyens d’amorcer un changement systémique, en joignant leurs forces.
La naissance de cette nouvelle association a nécessité la mise en œuvre d’une gouvernance nouvelle, établie sur les fondements posées par Frateli et Passeport Avenir.
Conduire le changement pour créer des instances équilibrées et des espaces de dialogue
Le processus de fusion s’est déroulé sur plus d’une année, avec des temps d’interconnaissance et d’information longs, bien que les deux gouvernances et les deux équipes aient bien accueilli le projet. Les chantiers ont touché aussi bien à la gouvernance statutaire qu’à son articulation avec les pratiques managériales, la prise de décisions dans l’équipe et la participation des salariés.
Lorsque les Conseil d'administration (CA) des deux associations ont fusionné, une attention particulière a été portée à l’équilibre des deux ensembles d’administrateurs : aujourd’hui le CA d’Article 1 est composé à 50 % de personnes physiques et à 50 % de personnes morales. Il s’agit peu ou prou de 50 % d’anciens administrateurs de Frateli et de 50% d’anciens administrateurs de Passeport Avenir, dont le CA était composé d’entreprises partenaires. L’équilibre entre les deux associations d’origine se retrouve de la même manière dans l’équilibre du duo des deux co-fondateurs et co-présidents.
Au niveau de l’équipe, les deux organisations d’origine n’étant pas redondantes mais complémentaires (organisation par fonctions côté Passeport Avenir et organisation par programmes, coté Frateli), la fusion s’est faite sans freins majeurs. Elle a été soigneusement préparée avec des temps de communication importants en amont, avec le concours d’une coach en conduite du changement : séminaires de team building dans chaque association (axés sur les valeurs et les attentes), puis « talks équipe » communs tous les deux mois, alors que les équipes n’étaient pas encore réunies sous le même toit, séminaires communs portant sur les sujets transverses, vote pour le choix du nom de la nouvelle association, etc.
Au niveau du management intermédiaire, une réunion bimensuelle, le Baobab (« l’arbre à palabres »), permet de partager des problématiques communes et des pratiques managériales. Cette instance permet de converger dans les pratiques et de se forger une culture commune, dans la mesure où les positionnements des managers différaient dans les associations d’origine (il existait chez Passeport Avenir un niveau de directeurs absent chez Frateli, ce qui avait un impact sur le management intermédiaire).
La liberté de parole et les temps de partage de la vision ont pu donner l’impression à certains salariés d’un mouvement en direction d’un fonctionnement en entreprise libérée, alors que cela n’est pas le cas (l’organisation d’Article 1 est hiérarchique et l’équipe salariée agit par délégation du CA). Mais cette expérience, ainsi que la mise en cohérence des rôles des managers a été éclairante pour Article 1 et a permis de conscientiser les processus de prise de décision.
Fly the Nest : expérimenter de nouvelles formes de gouvernance pour mieux accompagner
Fly the Nest est une structure d’une vingtaine de salariés, spécialisée dans l’accompagnement des organisations en changement d’échelle, issues ou non de l’ESS, dans leurs enjeux de transformation. Deux de ses accompagnatrices et co-fondatrices ont témoigné des expérimentations internes de Fly the Nest en matière de gouvernance et d’organisation et de la manière dont elles nourrissent leurs accompagnements.
L’auto-gouvernance chez Fly The Nest : la responsabilité et l’autonomie comme principes directeurs
En 2016, soit un après sa création, Fly the Nest a opté pour un fonctionnement en auto-gouvernance, inspiré de la sociocratie : l’organisation est non-hiérarchique et chacun a la même capacité à prendre des décisions au sein des instances dont il fait partie. Ceci suppose des processus et périmètres de décision clairs et définis : la gouvernance repose ici sur une organisation matricielle, faite de cercles métier (RH, communication, commercial, etc.) et de cercles projet (ou segments de clientèle) dont les membres sont égaux dans la prise de décision. Pas de vote ou de véto prévus, c’est la sollicitation d’avis (non contraignants) auprès de pairs qui borde la prise de décisions.
Sur le plan statutaire et juridique, le projet a connu plusieurs formes depuis sa création : passé le cap des 10 salariés, le projet s’est scindé en deux structures (chacune dédiée à un segment de clientèle spécifique). Si cela a été une réussite sur le plan de l’activité, cela a eu pour conséquence, au bout de 6 mois, l’émergence de deux cultures et deux visions distinctes : s’il y avait une réelle transversalité métier entre les deux entités, il n’y avait pas eu de démarche d’alignement sur une vision commune. Aujourd’hui, un temps d’alignement collectif est sanctuarisé, tous les semestres et, si Fly the Nest est redevenu une seule entité, il est envisagé d’expérimenter de nouveau un montage plus éclaté, permettant d’accueillir les initiatives entrepreneuriales des salariés.
Vers une gouvernance partagée : cadres d’application
Ces expérimentations ont grandement nourri les pratiques d’accompagnement de Fly the Nest et le travail d’alignement collectif est l’un de leurs fondamentaux d’accompagnement. Par l’espace que ce travail laisse à l’expression des envies et des visions de chacun, les postures d’encadrement évoluent bien souvent : à mesure que les salariés s’affirment, les managers peuvent tendre vers une posture de mentor, qui questionne et accompagne mais ne décide pas à la place du salarié. Il s’agit, selon Fly the Nest, d’un possible premier pas vers une gouvernance plus partagée, pour peu que la démarche corresponde aux attentes du collectif accompagné. Premier pas car le temps d’appropriation de ce genre de démarche peut être long : les effets de l’accompagnement se font généralement pleinement sentir 6 mois à un an après l’intervention).
Cette gouvernance induit donc une grande responsabilisation et une grande autonomie de la part des salariés, voire un vrai travail d’introspection, avec comme prérequis, une réelle maturité individuelle. Si Fly the Nest estime qu’il n’y a pas nécessairement de taille maximale d’organisation pour mettre en œuvre l’auto-gouvernance, il peut y avoir des éléments facilitateurs, comme une homogénéité et une polyvalence des profils des salariés, mais également une culture propice et surtout, des leaders prêts à impulser le changement.
Si les activités et natures juridiques des deux structures témoins sont différentes, les facteurs de succès de leur transition de gouvernance sont similaires : une communication pédagogique et anticipée, des espaces de dialogue et des accompagnements en soutien. Et une règle d’or : laisser aux parties prenantes un temps suffisamment long d’appropriation de la nouvelle dynamique de gouvernance.
>> L’Avise développera en 2020 des travaux dédiés aux questions de Gouvernance - production d'outils, publication de ressources clés sur le portail avise.org, lancement d'expérimentations, échange de pratiques - à retrouver sur avise.org.