Pascal Duforestel, conseiller régional délégué à l'ESS
Votre engagement dans la vie politique locale et régionale est ancien. Pour votre second mandat régional, vous prenez en charge la délégation ESS. Qu'est-ce qui vous a amené à assumer cette responsabilité ?
Mon appétence pour l'économie sociale et solidaire n'est pas nouvelle et Alain Rousset, qui me connait bien, le sait.
J'ai exercé les responsabilités de premier adjoint de la ville de Niort de 2008 à 2014 et de président de la Communauté d'agglomération du Niortais en 2014. Pendant ces mandats, j'ai participé à la mise en place de différentes politiques de développement de l'ESS et au lancement de plusieurs chantiers. J'ai également fait adhérer l'agglomération au RTES. Ce mandat était particulier car nous devions atténuer les effets de la crise sur les acteurs économiques du territoire.
Entrepreneur, j'ai dirigé la SARL Le Loup blanc de 1994 à 2010. Avec l'équipe, nous avons eu une réflexion sur la transformation de la structure en Scop, société coopérative et participative.
L'ESS a donc été présente tout au long de mon parcours. Aujourd'hui, cela se formalise de manière forte avec mes fonctions de conseiller régional délégué à l'ESS.
Contrairement à l'une de vos prédécesseurs, l'innovation sociale ne fait pas partie de votre champ de compétence. Pourquoi ?
Martine Alcorta est la conseillère régionale déléguée à l'Innovation sociale et est rattachée directement au président Alain Rousset. Preuve de l'intérêt pour ce sujet et de la continuité de la précédente mandature.
En cohérence avec le travail de Bérénice Delpeyrat-Vincent, anciennement vice-présidente du Conseil régional d'Aquitaine en charge de l'Innovation sociale et de l'économie solidaire, Martine Alcorta a lancé en juillet 2016 la seconde édition de l'appel à manifestation d'intérêt "Innovation sociale". Ce dispositif a rencontré un grand succès. Nous avons été surpris par le grand nombre de dossiers reçus - 169 - et leur diversité. Tous les secteurs et différents types d'action sont représentés. Et comme les acteurs de l'ESS sont les principaux porteurs d'innovations sociales aujourd'hui identifiés, nous travaillons en collaboration sur ce sujet.
Quels sont les grands enjeux pour l'ESS dans votre région ?
Le premier enjeu est d'ouvrir l'ESS et d'éviter que ses acteurs ne vivent en conclave.
Il s'agit également d'intégrer l'ESS dans l'ambition régionale, en accord avec la loi de juillet 2014. L'ambition est globale et l'ESS doit être inscrite comme moteur en matière de développement d'activités. Le cheminement est en cours et les discussions se poursuivent à la suite de la conférence régionale de l'ESS.
L'harmonisation des politiques et des dispositifs par le haut est mécaniquement impossible et insatisfaisante. C'est un monde vivant, qui bouge. Sur le territoire, de nombreux écosystèmes et initiatives existent : l'expérimentation "Territoire zéro chômeurs longue durée" au Nord des Deux-Sèvres, le Pôle Sud Aquitaine de Tarnos, la première plateforme de financement participatif et solidaire en Poitou-Charentes jadopteunprojet.com... La volonté est que d'autres territoires puissent rejoindre ces dynamiques. Ce sont des modèles reproductibles et transposables. Il faut s'adapter aux territoires et aider ceux en situation périlleuse en matière d'emploi.
L'enjeu est aussi de créer du lien pour répondre à toutes les spécificités, favoriser le partage d'expérience, contribuer au rapprochement des têtes de ponts. Le Salon national de l'ESS est l'une des occasions de découvrir et redécouvrir les initiatives en région.
Les frontières régionales ont évolué. Comment s'organisent ou s'organiseront les services en région et la transversalité entre l'ESS et les autres politiques régionales ?
Jacques Le Priol, anciennement chargé de mission Innovation sociale en Région Aquitaine, devient le nouveau directeur en charge de l'ESS à l'échelle de la Grande Région. Poitiers devrait devenir la ville pivot sur l'ESS. Les modalités d'organisation sur le territoire sont en cours de définition.
Concernant la transversalité interne, chacun se concentre pour l'heure sur la fusion des trois Régions, un processus qui n'est pas facile ! La transversalité est cependant une évidence sur certains sujets, en particulier l'économie circulaire, la jeunesse et la culture. Ce domaine est puissant sur la Région avec des acteurs ancrés dans l'ESS, des structures historiques qui ont fait le choix de se transformer en Scop et une possibilité de développement important.
En Nouvelle-Aquitaine, la conférence de l’ESS s’est tenue le 4 juillet 2016, après une phase de concertation de deux mois organisée par les trois CRESS, Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes. Les discussions continuent et doivent permettre d'élaborer le volet ESS du schéma de développement économique d'ici décembre. Quels sont les sujets sur la table ?
Nous avions structuré la conférence régionale de l’ESS autour de trois grands thèmes : la coopération, l’innovation et l’entrepreneuriat. Ces trois axes se sont révélés opérants et ont permis de couvrir l’ensemble des initiatives et les dispositifs qui préexistaient. Ils viendront probablement charpenter les politiques à venir. Reste maintenant à définir ce qui sera de l’ordre de la bonification ou de la création de dispositifs.
La coopération est un enjeu particulièrement fondamental. Les expériences intéressantes sont nombreuses : le projet d’école transfrontalière à l’économie sociale et solidaire dans le Pays Basque ou le Pôle territorial de coopération économique « Musiques actuelles » (découvrir l'article dédié aux réseaux des musiques actuelles de Nouvelle-Aquitaine). Le principe est donc de faire émerger des coopérations territoriales sous toutes les formes ! Nous nous attachons à récompenser des dynamiques vertueuses et solidaires.
Parmi les autres sujets, même si cela paraît une évidence, il faut un soutien conséquent et fort à la reprise en Scop. Je souhaite également soutenir l'expérimentation en matière de financement participatif et de monnaie locale. C'est la quintessence même des politiques ESS !
Je serais fier à la fin de mon mandat si nous sommes parvenus à faire éclore plein de projets. Je souhaite contribuer activement à la création d'activités et d'emplois sur la Région. Nous ne sommes pas là pour donner des objectifs chiffrés. L'ESS a tout son rôle dans ce défi de création d'emplois porté par le président et la Région. Elle correspond à une attente très forte.
Propos recueillis par Pauline Bian-Gazeau
> A découvrir également, l'interview de Pascal Duforestel par le RTES dont il est l'un des administrateurs.