Première conférence territoriale pour l'ESS
Un long processus de concertation
2018 aura été une année importante pour l’Économie sociale et solidaire (ESS) en Martinique. Le 17 avril dernier, s’est en effet tenue la première conférence territoriale de l’ESS de la région.
Avec 320 millions d’euros de masse salariale, le secteur représente 15,2 % de l’emploi privé local, ce qui place la Martinique au 8ème rang sur les 23 régions de France (la moyenne nationale étant de 12,8% de l’emploi privé). 85% des salariés de l’ESS sont par ailleurs employés par le secteur associatif, positionnant là encore la région nettement au-dessus des repères nationaux.
L’enjeu de cette première conférence martiniquaise était donc d’importance. Sa préparation a mobilisé l’Etat via la préfecture et la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) pendant presqu’un an en amont. “Nous avons mis en place un processus de concertation autour d’un comité de pilotage et d’un comité technique”, explique Francis Carole, Conseiller exécutif aux affaires sociales, à la santé et à la solidarité. “Des groupes de travail et trois jours d'ateliers ont été organisés, permettant de recueillir les contributions de 120 acteurs de l’ESS”, poursuit-il.
Six thématiques locales identifiées
Ce travail collectif a donné lieu à l’identification de six grandes thématiques locales et à 73 propositions d’actions compilées dans une feuille de route pour les deux prochaines années.
D’ici 2020, les énergies doivent en effet converger pour favoriser la création, le développement des entreprises et des emplois dans l’ESS, dynamiser le territoire martiniquais par le développement du secteur, soutenir l’innovation sociale et les initiatives répondant aux enjeux du territoire, encourager l’engagement du bénévolat et le développement de l’utilité sociale, identifier et rendre lisible les leviers de financement de l’ESS. Cinq axes thématiques auxquels se sont finalement ajoutés trois enjeux transversaux : l’égalité, la mixité et la parité Femmes-Hommes.
La présentation de cette feuille de route en plénière le 17 avril au matin devant 300 acteurs, réunis au Palais des Congrès de Madiana, constituait le temps fort de cette première conférence territoriale. L’après-midi était quant à elle consacrée aux rencontres entre acteurs de l'accompagnement et du financement avec les porteurs de projets. Parmi les stands présents, on trouvait le Dispositif local d’accompagnement (DLA) de Martinique, Uniformation, la Mission Locale ou encore Initiative Martinique Active (fonds territorial du réseau France Active).
Un vecteur d'intelligence collective
“Cet événement était attendu et il a le mérite d’avoir été initié, préparé et mis en œuvre”, se félicite Corinne Concy, présidente de Kaléidoscope, incubateur et conseil en stratégie et organisation des entreprises sociales en Martinique. “Il a permis aux acteurs de se rassembler, de travailler ensemble et de produire de l’intelligence collective”, poursuit-elle avant de noter, tout de même, des points d’amélioration.
“Au niveau national, l’écosystème de l’ESS est marqué par une forte présence de jeunes acteurs. Makesense, Ticket for Change et Unis-Cité par exemple ont été créés par des personnes de moins de 30 ans. Je regrette qu’il n’y ait aucune entrée spécifique pour ce public dans les axes de travail qui ont été formulés”, indique Corinne. “En Martinique, la population vieillit, la natalité baisse et notre jeunesse part faire carrière sur le territoire national sans ambition de retour. Pourquoi ne pas avoir rendu plus visible l’opportunité que constitue l’ESS pour nos juniors ?”, se demande-t-elle.
Un guichet unique pour l'ESS
Autre regret, le manque de considération pour l’existant dans les pistes d’action évoquées dans la feuille de route. “J’ai le sentiment qu’on part d’un terrain vierge. Or, je suis bien placée pour savoir que localement les projets et initiatives structurants pour l’avenir sont nombreux mais mal valorisés. Pourquoi ne pas mettre en lumière et renforcer ce qui fonctionne déjà localement et soutenir les innovations sociales privées existantes ?”
Parmi les actions prévues par la feuille de route, la création d’un observatoire, le développement de formations ou la création d’un guichet unique pour simplifier les démarches. “Le comité de pilotage travaille en lien avec la Préfecture à l’ouverture de ce nouveau service qui devrait permettre un traitement plus rapide de tous les aspects administratifs liés à la mise en œuvre des projets. Nous espérons que les acteurs martiniquais pourront prochainement bénéficier de ce nouveau service”, indique Francis Carole de son côté. La CRESS de Martinique actuellement en phase de restructuration devrait reprendre du service en 2019 pour donner un coup d’accélérateur à tous les autres projets.
Sébastien Poulet-Goffard