Quand l’ESS renforce la culture sur les territoires
La culture dans l’ESS et le rôle des politiques publiques
ESS et culture partagent de nombreux objectifs et valeurs : utilité sociale, visée émancipatrice, lien social, expérimentation et innovation, expression des diversités, développement de coopérations et mutualisations, etc. Par ailleurs, la culture est un champ prépondérant de l'ESS :
- Les structures culturelles représentent 15% à 17% des 225 000 entreprises du champ de l’ESS
- On compte environ 35 000 entreprises culturelles de l’ESS (dont 90% d’associations)
- Environ 20% des structures bénéficiant du Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) appartiennent au secteur culturel
- Les structures culturelles sont au 2ème rang des entreprises soutenues par France Active
(Chiffres issus de Rapprocher la Culture et l'Économie sociale et solidaire, Bernard Latarjet, publié par Le Labo de l'ESS, 2018)
Il existe divers modèles d’organisations de l’ESS à dimension culturelle : les coopératives d’activité et d’emploi spécialisées (ex : Artenréel, Clara Bis), les Pôles territoriaux de coopération économique (ex : Coursive Boutaric, Culture et Coopération), les sociétés coopératives d’intérêt collectif (ex : Maison de la danse, SMartFR), les sociétés coopératives dans le champ du spectacle vivant (Théâtre du Soleil) ou du livre (ex : Librairie des Volcans), les tiers-lieux à objet social (ex : Réseau Actes If), et bien sûr les associations (Le Plus Petit Cirque du Monde), etc.
Les politiques publiques permettent non seulement de donner accès à la culture à des publics qui en sont éloignés, mais aussi d'encourager la participation à la vie de la cité, à la connaissance, à la pratique et à la diffusion culturelle. Génératrice de richesses, levier de compétitivité et d’attractivité territoriale, sa prise en compte doit continuer à être renforcée dans d’autres domaines tels que l'aménagement du territoire, le développement économique, l'éducation ou l'action sociale.
Pour compléter les aides traditionnelles aux activités culturelles, les outils fléchés vers l’ESS (comme le DLA) et les services territoriaux chargés de l’ESS peuvent être mobilisés. Voici quelques exemples de politiques régionales en faveur du renforcement des liens entre ESS et culture.
Nouvelle-Aquitaine : Direction de l’ESS, aides pluridisciplinaires, CAE, Fonds…
La Nouvelle-Aquitaine est l’une des seules régions de France ayant dressé une feuille de route partagée entre la Direction de l'ESS et de l'innovation sociale (17 agents) et la Direction de la culture. Divers dispositifs soutiennent des projets et des acteurs culturels sur les territoires : aide à la création d’entreprise (jusqu’à 20 000€), aide à la production d’œuvres, aides à la rénovation des équipements culturels (subvention plafonnée à 100 000 €), aides aux lieux de diffusion professionnels, aux manifestations culturelles, soutien aux résidences d’artistes (entre 1000 € et 30 000 € dans la limite de 70 % du coût total du projet), soutien aux Coopératives d'Activités et d'Emploi (aide de 1000 à 2000€ par entrepreneur salarié), comme la CAE Consortium dédiée à l’accompagnement des porteurs de projets des professions artistiques, culturelles et créatives.
Cela passe également par le soutien aux périodes de « recherche & développement », pour le spectacle vivant par exemple. « Nous travaillons sur les garanties d’emprunts et besoins de trésorerie, explique Jacques Le Priol, Directeur de l’ESS à la Région. Parfois, les acteurs culturels doivent apprendre à réécrire leur modèle de gestion pour que le temps de création soit considéré comme un investissement et n’apparaisse pas au compte de résultat, mais plutôt au bilan les années suivantes, en termes d’amortissement ». La Région subventionne des stratégies de coopération d’acteurs de petites et moyennes tailles qui n’ont pas accès à certains fonds pour créer des pôles de compétences, avec le soutien au recrutement de chargés de mission. Le LABA, qui accompagne des organisations menant des projets d’utilité sociale pour lever et gérer des fonds européens, en est l’illustration.
Dans le domaine des musiques actuelles, la concertation avec le Réseau des Indépendants de la Musique a abouti à un contrat de filière avec le Centre national de la chanson, de la variété et du jazz (CNV) et l’État. Comme en témoigne Jacques Le Priol, « Pour 1€ nouveau apporté par la Région, 1€ est apporté par le CNV, ce qui permet un effet levier important pour la création d’emplois et d’activités ». La Direction de l’ESS a par ailleurs accompagné la création d’un groupement d’employeurs, Aquitaine Groupement d’Employeurs Culture, qui a mis en place une société coopérative d'intérêt collectif de formation des acteurs culturels. Financé par le conseil régional, l’Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine a développé un fonds innovant, Créa’Fonds, outil de mutualisation des capitaux et des compétences. Ce collectif réunit des lieux de diffusion, des collectivités, des acteurs de l’ESS, des partenaires financiers privés et des compagnies bénéficiaires. Il facilite notamment l’accès à des financements privés, accompagne la professionnalisation économique des compagnies et la pérennisation de leurs emplois.
Hauts-de-France : démarches participatives, décentralisation, AMI innovation sociale…
Dans les Hauts-de-France, l’ambition est de faire de la Région « un accélérateur de développement culturel ». En 2016, plus de 1000 personnes se sont mobilisées au cours de trois séminaires régionaux et onze ateliers territoriaux. Organisés par le conseil régional, ces séminaires s'axaient autour de trois volets : une « région participative », privilégiant la démocratisation culturelle ; une « région équilibrée », permettant à chacun d’accéder à la vie culturelle où qu’il se trouve ; une « région créative », favorisant l’expérimentation, l’émergence de nouvelles tendances et la formation artistique. Depuis 2017, le budget consacré à la culture augmente (avec 160 millions d’euros cette année), « permettant de soutenir davantage de porteurs de projets », explique Faustine Maliar, Conseillère régionale déléguée à l’ESS.
« Les départements ESS et culture du conseil régional travaillent de façon transversale depuis deux ans et seront amenés à le faire davantage. Les domaines culturels sont porteurs d’emploi et participent à la fois au développement économique et à l’attractivité de la Région ». Dans le cadre de la politique ESS des Hauts-de-France, tous les porteurs de projet souhaitant créer une société coopérative, une structure de l’insertion par l’activité économique ou du domaine de la culture sur les territoires ruraux, peuvent bénéficier d’un accompagnement par un opérateur spécialisé et d’une subvention.
Deux initiatives spécifiques, soutenues par la Région, construisent des ponts entre ESS et culture. La Chambre d'Eau est à la fois une résidence de création artistique pluridisciplinaire implantée en zone rurale et une structure d’appui aux porteurs de projet culturel de l’ESS, spécialisés dans les territoires ruraux et péri-urbains, répondant à une problématique de territoire. « La Région finance à hauteur de 60 000 € : la moitié via le budget du département ESS et depuis cette année, l’autre moitié par le département culture. Nous encourageons la multiplication de ce type de structures sur tous les territoires », poursuit Faustine Maliar.
Pour repérer les bonnes pratiques afin de les faire connaître et les accompagner, le Conseil régional a lancé en 2016, son premier appel à manifestation d’intérêt pour l’innovation sociale. Dans ce cadre, Cirqu'en Cavale vient d’être labellisé « Innovation Sociale », bénéficiant d’une aide à l'innovation sociale. Depuis 15 ans, cette structure enseigne les arts du cirque sur le territoire du Pas-de-Calais, participe au développement culturel, économique et social du territoire rural par son enseignement, l'accueil d'artistes et la diffusion de spectacles.
« Nous souhaitons progresser largement sur la proportion des structures culturelles soutenues par nos différents dispositifs ESS », conclut la Conseillère régionale.
Marie Vabre
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