Quelle place pour l’ESS dans les propositions des Régions sur la PAC post-2020 ?
En cette fin de programmation de la PAC 2014-2020 et en pleines négociations pour la prochaine, Régions de France et la Région Nouvelle-Aquitaine organisaient le 13 décembre 2018 le séminaire européen « PAC : les Régions, moteurs de la transition des systèmes agricoles et alimentaires. » (voir le programme). De manière directe ou déléguée, les Régions ont géré durant la programmation qui s'achève près de 10,8 milliards d’euros de Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), accompagnés de 550 millions de crédits régionaux (source : Chiffres-clés des Régions 2018). L’occasion de dresser un bilan, d’affirmer leur rôle-clé dans la mise en œuvre du 2nd pilier de la PAC et de réaffirmer les orientations qu’elles préconisent pour la suite.
Pour une agriculture multi-performante
Ces orientations sont toutes rassemblées dans le Livre blanc des Régions pour une agriculture durable et une alimentation responsable, publié le jour du séminaire, et qui fait état de 24 propositions pour accompagner la transformation des systèmes agricoles et alimentaires. Très opérationnelles, ces propositions couvrent un large spectre à travers 5 axes :
- Initier, expérimenter, connaître et valoriser les démarches innovantes et ascendantes ;
- Créer plus de valeur ajoutée au travers de filières agricoles alimentaires et non-alimentaires ancrées dans les territoires ;
- Assurer une alimentation de qualité, saine, durable et accessible à tous ;
- Simplifier l’accès aux soutiens publics et les réorienter ceux-ci vers la transition en partant des projets d’acteurs et des territoires ;
- Rendre les politiques publiques agricoles et alimentaires plus lisibles et efficaces par la clarification des compétences et de la gouvernance.
On retrouve au cœur de ces propositions deux notions phares. Premièrement, la vision portée par les Régions est celle d’une agriculture multi-performante, « c’est-à-dire plus performante qu’actuellement à la fois sur le plan économique (si elle veut continuer d’exister à court-terme), mais également social et environnemental (si elle veut disposer des ressources humaines et naturelles pour exister demain) ». Deuxième notion, nécessaire à l’atteinte de cette multi-performance, les principes de co-construction et de coopération avec et entre les acteurs territoriaux, qui tiennent une place centrale dans les discours et les propositions émises.
L’ESS au cœur des transitions agricoles et alimentaires
Nécessaires pour appuyer les transitions économiques, sociales, environnementales et sanitaires jugées incontournables par l’unanimité des intervenants (des Présidents de Régions au Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation), ces deux notions font directement écho au projet défendu par l’Économie sociale et solidaire.
La notion de multi-performance est en effet au cœur même de cette économie, qui cherche à allier performance économique et utilité sociétale. Les acteurs qui la composent s’appuient précisément sur les principes de co-construction et de coopération pour rechercher et aboutir à cette multi-performance. On retrouve d'ailleurs des acteurs de l’ESS dans de nombreux domaines clés mentionnés au sein du Livre blanc des Régions, des circuits-courts à la réduction du gaspillage alimentaire en passant par la lutte contre la précarité alimentaire (voir notre cartographie).
Les acteurs de l’accompagnement spécialisés sur l’ESS ont de ce fait construit une ingénierie d’accompagnement des projets collectifs structurants, et appuient de nombreux projets agricoles et alimentaires en coopérative par exemple. Ainsi, l’Economie sociale et solidaire a aujourd’hui développé une expertise et une ingénierie mobilisables pour appuyer ces transitions.
Des propositions utiles au acteurs de l’ESS
Dans ce cadre, plusieurs propositions formulées par les Régions pourraient venir appuyer les acteurs de l’ESS dans le champ de l’agriculture et de l’alimentation durable :
- (3) L’expérimentation de démarches innovantes de transition au sein des territoires : déjà portée par un ensemble d’acteurs au sein duquel l’ESS tient une place importante tels que Terre de Liens.
- (4) L’appui aux démarches collectives et à l’ingénierie territoriale, notamment par la prise en compte du temps nécessaire à l’animation collective : il s’agit d’un besoin central des dynamiques collectives, qui ont généralement du mal à faire financer leur démarche d’animation territoriale (voir notre article sur les systèmes alimentaires territoriaux).
- (5) Le soutien à la création et le développement de filières territorialisées en favorisant le partage des compétences et la mise en place d’outils collaboratifs.
- (11) La construction de dispositifs locaux de lutte contre la précarité et le gaspillage alimentaire.
- (12) Un plaidoyer en faveur du couple « Transition alimentaire – Développement des territoires », pour que les systèmes alimentaires soient en première ligne du développement territorial durable. La relocalisation des emplois et de la valeur créée est un principe phare des structures de l’ESS et ce plaidoyer ne peut que contribuer à leur valorisation.
Au-delà de ces propositions émises par les Régions et dont la portée reste à suivre, la nouvelle PAC intègrera pour sa part des objectifs sociaux et environnementaux en plus des objectifs économiques, parmi lesquels le dynamisme des zones rurales et la réponse aux attentes sociétales (alimentation, santé et qualité). Cependant, la diminution des crédits du 2nd pilier dédiés au développement rural pose des questions sur la manière dont cette future PAC pourra effectivement remplir ces objectifs.
>> Pour plus d’infos sur l’ESS et l’alimentation durable, consultez notre dossier thématique
>> Pour plus d’infos sur la place de l’ESS dans les territoires ruraux et sur la mobilisation du FEADER autour de l’ESS, suivez le projet TRESSONS mené par l’Avise et le RTES