Roumanie : l’ESS au service de l’inclusion sociale des Roms
Le hameau de Ponorata au nord de la Roumanie compte environ 450 habitants. Ils sont Roms, en milieu rural et vivent à l’écart du reste de la commune de Coroieni (2200 habitants) dont le hameau dépend administrativement. Le réseau d’assainissement est défaillant, l’accès aux soins de base et à l’éducation rendu difficile du fait de l’enclavement du quartier. Et pourtant il est question d’économie sociale et solidaire sur ce territoire. Non pas pour résoudre les problèmes d’accès aux droits fondamentaux que sont l’éducation ou la santé, mais comme élément d’une stratégie destinée à réduire la ségrégation dont sont victimes les Roms.
L’accès aux droits avant l’ESS
Tout est parti de témoignages de familles Rom issues de ce hameau et recueillies par des associations du Nord suite à leur migration en France. Des associations se sont regroupées pour créer le Projet Roma1 destiné à soutenir le développement local dans les régions d’origine des migrants et ce en initiant des activités relevant de l’ESS comme des chantiers d’insertion, du maraîchage en circuit court. « Nous nous sommes vite rendus compte qu’il était nécessaire de renforcer l’accès aux droits fondamentaux par des actions de médiation avant de penser à développer des actions d’insertion », raconte Aurélien Dierckens, chargé du Réseau Roma au sein de La Sauvegarde du Nord.
L’ESS n’est donc pas la solution à tous les problèmes de pauvreté. « Ventre vide n’a pas d’oreille » a-t-on coutume de constater à La Sauvegarde du Nord. C’est pourquoi le Réseau Roma, à Coroieni s’est réorienté dans un premier temps vers des actions pour lever ces freins : médiation avec le maire, financement d’un centre de services de base dans le hameau, développement de liens entre l’école primaire de Ponorata et celle de Coroieni afin de permettre de l’école du hameau rom au collège situé à Coroieni.
L’ESS en point de mire
Mais l’ESS n’a pas disparue du projet. « L’ESS a un grand potentiel, ici » s’enorgueillit Luminata Baciu, la coordinatrice du Réseau Roma à Baia Mare, la capitale de la province du Maramures. Plus précisément, suite à la réorientation du projet Roma, le développement d’activités d’économie sociale et solidaire, est aujourd’hui un élément de mobilisation de la Mairie et des Roms pour justifier de l’action sociale en faveur de cette population. « Bien qu’il n’ait pas beaucoup de moyens, le Maire a aujourd’hui la volonté politique d’intervenir dans ce sens et l’insertion par l’activité économique en est une composante », résume Aurélien Dierckens. Diverses activités ont déjà été envisagées afin de favoriser l’insertion des Roms : maraîchage biologique, collecte et vente de champignons, activités (aujourd’hui informelles) de collecte et recyclage de déchets...
A la Mairie de Coroieni, c’est une véritable révolution culturelle qui est en marche. Le maire, Gavril Ropan, un chef d’entreprise, a été convaincu ces dernières années de l’intérêt d’en finir avec la ségrégation des roms. Plus récemment, en juin 2013, il a participé à un séminaire à Lille autour du projet Roma. Cette visite a été pour lui l’occasion de visiter des Jardins de Cocagne et des entreprises du groupe d’insertion Vitamine T afin de mieux prendre la mesure des potentialités de l’ESS.
L’implication du réseau Roma, en Roumanie, a aussi permis la mise en lien de la Commune de Coroieni avec l’association ASSOC dont la mission est de développer les projets d’insertion sur la province de Maramures. ASSOC, fondée en 1995 est aujourd’hui active sur le territoire de cette commune et peut apporter son expertise à la Mairie à l’image de ce qu’elle fait déjà en d’autres lieux de la région de Maramures.
« Nous n’en sommes qu’aux prémices, mais le terrain est aujourd’hui favorable et l’ESS est devenue une condition de réussite du projet car elle représente une perspective concrète de déségrégation par le travail. », se réjouit Luminita Baciu. Le rôle de l’assistance technique du Réseau Roma est maintenant d’accompagner les projets et notamment de décrocher des financements locaux (la Commune, mais aussi l’équivalent du Conseil général du Maramures seraient susceptibles de financer avec leurs moyens des projets) ou européens.
Philippe Chibani-Jacquot
Pour aller plus loin :
La Sauvegarde Nord
Aurélien Dierckens, pôle inclusion sociale, chargé de projet Roma
Tél. : 06 68 05 60 51, courriel : adierckens@lasauvegardedunord.fr _
Réseau Roma (Roumanie)
Luminata Baciu, coordinatrice
Tél. : 07 28 00 50 33, courriel : lbaciu@lasauvegardedunord.fr
Cet article a été réalisé en partenariat avec l'Association des Régions de France et la Caisse des Dépôts.