Euskal moneta

Relocaliser l’économie grâce aux monnaies locales

Dante Edme-Sanjurjo, directeur général de l'association Euskal Moneta, se rappelle ce 15 juin 2011 lorsque parmi une dizaine de citoyens et citoyennes basques la proposition a fusé : « On lance une monnaie locale ! ». 

Pensée dès le début comme un outil au service du territoire, l'initiative devait très vite mobiliser le maximum d'acteurs. « Nous avons dès octobre 2011 réuni plus de 20 organisations du territoire pour leur présenter le concept, puis préparé un avant-projet et organisé une vingtaine de réunions publiques pour le faire connaître. Nous avons ainsi touché environ 400 personnes et c'est à partir de là que la monnaie a commencé à exister. » 

Une véritable stratégie d'ancrage sur le territoire a ainsi été mise en œuvre. « Avec une monnaie locale, explique Dante Edme-Sanjurjo, les engagements des participants s'additionnent et se confortent. Si quelqu'un adhère pour défendre l'agriculture paysanne, il défend aussi un environnement écologique. S'il vient pour soutenir la langue basque, son usage de l’eusko soutient aussi de fait le commerce de proximité. Pour tous les thèmes cette complémentarité fonctionne ! » 

Une évidence illustrée par le diagramme proposé par le Mouvement SOL (voir ci-dessous) dans une étude sur l’impact des monnaies locales, publiée en avril 2021. Cette étude montre la manière dont les monnaies locales relient de façon transversale les préoccupations économiques, écologiques, sociales et solidaires, territoriales et citoyennes.

>> Pour en savoir plus, consultez le rapport Monnaies locales : monnaies d'intérêt général, étude sur l'utilité des monnaies locales complémentaires, publié par le Mouvement SOL en avril 2021

Une initiative citoyenne au service du territoire

Dix ans après le lancement de l'idée et huit après le premier eusko, la monnaie basque affiche un bilan impressionnant avec plus de 5 000 utilisateurs (dont 1 200 professionnels) et près de 3 millions d'euskos en circulation. Effet du fameux dynamisme du Pays Basque ? « Bien sûr que nous sommes sur un territoire plutôt favorable et dynamique, mais la clé du succès tient en deux mots : méthode et professionnalisme. » 

Au-delà de la création de l'outil, l'équipe salariée travaille énormément sur la création de liens et de partenariats avec les acteurs du territoire : 4 salariés sur les 13 sont ainsi dédiés à la communication. « Notre métier, résume Dante Edme-Sanjurjo, c'est d'abord de l'animation ! » 

C'est aussi un gros investissement dans la création d'un outil numérique efficace. Plus de 80 % des transactions passent par cette voie – avec des logiciels libres faut-il le préciser ? L'eusko est une monnaie engagée : l’association refuse la grande distribution parmi ses partenaires et a mis en place un système de dons aux associations locales en leur reversant un pourcentage sur les changes d’euros en euskos. La courbe des dons suit le développement de la monnaie : 18 000 euskos de dons en 2018, 29 000 en 2019, 38 000 en 2020 ! 

Dernière innovation : Vacances en eusko, une proposition faite aux visiteurs de payer une partie de leurs prestations avec la monnaie locale ! Une façon de soutenir un tourisme participatif et d'associer les vacanciers à la vie du territoire qui les accueille : « Chaque eusko dépensé reste au Pays Basque. »

Mobiliser les partenaires publics et privés du territoire

La recherche de partenariats s'est aussi très vite orientée vers les collectivités. La Ville de Bayonne a rejoint le mouvement et, malgré quelques aléas juridiques finalement résolus avec la préfecture, peut désormais proposer de verser les subventions aux associations et les indemnités des élus en monnaie locale. Dans la même veine, toutes les régies de la communauté d'agglomération du Pays Basque vont passer à l'eusko. Cette dernière a bien compris l'utilité de la monnaie et contribue, comme le conseil régional, au financement de l'association. 
Aujourd'hui autonome à 62 % de son budget grâce aux cotisations des adhérents, l’association vise une autonomie entière à l'horizon 2023. « On a gagné la confiance de nos partenaires et nous devons désormais avancer ensemble. » 

Avancer ensemble et aider les autres monnaies complémentaires de France à se développer. Sollicitée par de nombreuses expériences dans les territoires, Euskal Moneta est à l'origine de la création de l'Institut des monnaies locales qui propose des formations dans une double optique : transmettre l'expertise et les outils de l'eusko et agir de manière plus générale pour la promotion des monnaies locales. 

L'étude d'impact menée par le Mouvement SOL montre que l'enjeu est fort pour les territoires. Ainsi, pour ne citer qu'un seul chiffre, près de la moitié des utilisateurs des monnaies locales disent avoir augmenté leur consommation de produits locaux depuis qu'ils utilisent une telle monnaie (au Pays Basque c'est même le cas pour plus de 60 % des adhérents). 

Dit autrement : la monnaie locale n'est pas un simple substitut à l'euro. Elle engage, elle fait découvrir, elle pousse à agir... et l'impact se mesure ! Supplément de revenus pour les territoires, renforcement de l'économie réelle, elle institue un cercle vertueux dont l'expérience basque est sans doute aujourd'hui l'un des exemples les plus aboutis.

>> Euskal moneta a été lauréat, en 2021, de l’appel à projets « Développer les coopérations économiques au service de l’innovation sociale, de l’inclusion et de l’emploi sur les territoires » lancé par l'Avise, via l'organisme intermédiaire du Fonds social européen (FSE) qu'elle porte.