Tissons la solidarité
Attention cette femme est un concentré d’énergie ! À 42 ans, Caroline Portes, ex-responsable du musée de la maison Cerruti 1881 est en train de révolutionner le monde de l’insertion par l’emploi en tissant des liens avec le domaine du luxe. « Je viens de la mode, côté entreprise classique, ce qui m’intéressait c’était de prendre la mode comme un outil d’insertion sociale et professionnelle, révèle-t-elle, un sourire en bandoulière. La première chose que j’ai voulu faire à mon arrivée, en 2010, à Tissons la solidarité, a été de décliner en formation qualifiante l’ensemble du travail effectué par nos salariés. »
Une évolution incontournable face aux conséquences de la crise
« Il y a encore quelques années, les personnes qui venaient dans nos chantiers n’étaient absolument pas qualifiées, poursuit Caroline Portes. Mais notre public a changé avec la crise. Désormais, les emplois qui ne requièrent pas forcément une grande qualification sont occupés par des gens diplômés. Il a donc fallu trouver des astuces pour les personnes qui ne disposent pas de beaucoup de bagages mais qui ont eu un parcours professionnel non négligeable. Je pense là à toutes ces petites mains qui ont un talent fou. Nous faisons en sorte de ne pas les laisser sur le bord de la route ». Les personnes accueillies au sein de Tissons la solidarité restent entre six mois et un an. Un délai suffisant pour les relancer ensuite dans le circuit économique classique.
Mais le coup de maître de Caroline Portes est d’avoir convaincu les maisons du luxe de regarder du côté de l’insertion par l’activité économique. « J’ai décidé de démarcher les maisons de luxe, en leur demandant d’investir dans l’emploi, explique-t-elle simplement. Ils ont joué le jeu et on a commencé à travailler sur une première griffe Tissons la solidarité, parrainée par Christian Lacroix. Les personnes chez nous sont formées pendant six mois par des acteurs du luxe, précise Caroline Portes. Nous ne sommes plus dans l’image classique d’un chantier d’insertion avec des gens plombés par des problématiques lourdes. Du coup, les entreprises se sont mises à nous appeler. La structure a alors doublé son chiffre d’affaires et l’atelier couture s’est équilibré ».
D’égal à égal avec les maisons de luxe
Forte de ce premier succès, Caroline Portes a retroussé ses manches avant de monter à l’assaut de la Fondation d’entreprise Chanel. Et de réussir, à nouveau, à convaincre tout son monde en déroulant le fil de la curiosité... « Je leur ai simplement dit : ayez au moins la curiosité de venir voir ce qu’on fait » se remémore-t-elle.
Une approche inédite qu’elle a peut-être ramené de son séjour au Guatemala, dans un orphelinat. « Là-bas, j’ai vraiment découvert ce que voulait dire le mot solidarité. J’ai aussi appris à regarder les gens par ce qu’ils portent en eux et plus à travers ce qui leur manque ». Un autre regard qu’elle n’a pas voulu baisser, en obtenant de traiter d’égal à égal avec les maisons de luxe. « Il n’était pas question pour moi qu’on enlève la création aux femmes de Tissons la solidarité, sous prétexte que le luxe venait vers nous. Je ne voulais pas qu’elles soient simples exécutantes, car sinon, elles se seraient encore retrouvées dans une position de demandeurs. Psychologiquement, ça change tout ».
Quatre questions à l’entrepreneur
Pourquoi avoir choisi l’entrepreneuriat social ?
« Pour donner du sens à notre métier et œuvrer pour les autres. »
Quel gros titre aimeriez-vous lire dans la presse sur votre structure ?
« Luxe et insertion par l’activité économique : enfin un partenariat ! »
Votre leitmotiv ?
« Prenons un peu plus de temps par rapport à l’intérêt général. J’étais convaincue que le luxe et l’insertion par l’activité économique pouvaient s’entendre. C’était juste des gens qui ne se connaissaient pas. »
Quel conseil auriez-vous aimé recevoir ?
« Prendre son temps pour apprendre. Je me suis moi-même appliqué ce conseil en commençant par apprendre pendant six mois à Tissons la solidarité avant de prendre mes fonctions. J’ai pris le temps de découvrir sur le terrain, au quotidien, l’ensemble de la structure. »