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Interview
Financer l'ESS

#2 Les enjeux de transition écologique et sociale sont désormais au centre des préoccupations !

Publié le 15 juin 2022 - Mise à jour le 07 juillet 2022
Quels sont les objectifs d’impact et les critères de sélection de la Banque des Territoires quand elle investit dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) ? De quelle manière les projets soutenus répondent-ils à des enjeux de société majeurs tels que la santé et le vieillissement, l’éducation et l’emploi, la formation ou encore l’économie circulaire ? L’Avise a rencontré les responsables des équipes d’investissement de la Banque des Territoires afin de mieux comprendre comment celle-ci soutient les entreprises de l’ESS. Pour le deuxième volet de cette série d’interviews : rencontre avec Linda Reboux qui dirige le pôle Transition écologique et sociale des territoires.

Partenaire historique de l’Avise depuis sa création en 2002, la Caisse des Dépôts investit depuis plusieurs années dans des entreprises de l’ESS ayant déjà atteint une certaine maturité. Réunies dans le département Cohésion Sociale et Territoriale de la Banque des Territoires, cinq équipes d’investissement s’attellent à sélectionner les projets les plus prometteurs dans différents domaines. Rencontre avec Linda Reboux, qui dirige le pôle Transition écologique et sociale des territoires.

Que recouvre le pôle Transition écologique et sociale des territoires et quels sont vos modes d’intervention ?

Dans mon équipe, nous nous intéressons aux enjeux de développement économique local, qui sont liés à des projets très territoriaux. Nous avons quatre thématiques d’intervention : la transition alimentaire, l’économie circulaire, les tiers-lieux et l’inclusion dans l’emploi. Ces sujets peuvent paraître hétéroclites mais sont en réalité intimement liés. La transition alimentaire implique par exemple la gestion des déchets organiques, donc une dimension d’économie circulaire, avec bien souvent des projets qui emploient des personnes en insertion. De même, de nombreux tiers-lieux se construisent autour de ces mêmes enjeux d’économie circulaire ou de transition alimentaire, et ainsi de suite.
Nous avons principalement deux modes d’intervention : l’investissement, soit le financement en fonds propres et quasi-fonds propres de structures à fort impact, et depuis peu la subvention via un mandat que nous confie l’État. Nous sommes en effet opérateurs du Programme Investissements d’Avenir (PIA4) désormais intégré dans le plan de relance France 2030 pour un peu plus de 150 millions d’euros, afin de financer des démonstrateurs territoriaux des transitions agricole et alimentaire.


Sur la transition agricole et alimentaire, comment ces deux types de financement – investissement et subvention - s’articulent-ils ?   

Nous avons deux appels à manifestation d’intérêt (AMI) en cours sur cette thématique. Lancé en juin 2021, le premier est un AMI sur fonds propres, doté d’une enveloppe d’investissement de 23 millions d’euros avec également des crédits d’ingénierie, destiné comme son nom l’indique à « accélérer la transition alimentaire ». Nous cherchons à investir dans des structures qui placent l’impact social et environnemental au cœur de leur action – des structures de l’économie sociale et solidaire en particulier - et qui ont déjà un certain niveau de maturité, sur des projets ayant fait preuve de leur concept.
Lancé en décembre dernier, l’AMI en subvention du PIA 4 vise à financer des « démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires », soit des projets très innovants, très « amont », qui cherchent à démontrer la pertinence de leur concept. Ces projets sont portés par des consortiums d’acteurs, avec en général une collectivité en chef de file et des partenaires variés : recherche, enseignement, start-ups, associations, etc. 
Nos critères de sélection des projets sont donc différents. Pour l’investissement, nous recherchons des légumeries, des conserveries, des structures assez classiques dont on connaît déjà les grandes caractéristiques. Parmi nos neuf premiers lauréats annoncés en janvier, nous avons des projets de transformation, mais aussi des projets de filières intégrées. Par exemple, en PACA, une entreprise ESUS qui revalorise des fruits et légumes déclassés, en employant des personnes en situation de handicap, et qui distribue les produits transformés auprès de la restauration collective.
Sur le PIA 4, il s’agit vraiment de financer de l’innovation dans les territoires, donc c’est beaucoup plus ouvert. À titre d’exemple, on peut citer des projets qui avaient été lauréats de « Territoires d’innovation et de grande ambition » du 3e Programme d'investissements d'avenir (PIA3), tels que le projet Sésame porté par Cœur d’Essonne qui vise à déployer un projet innovant et durable de la graine à l’assiette, en nouant des alliances entre différents acteurs du territoire.
Ces deux modes de financement sont complémentaires : il y a vraiment deux réponses pour des besoins très différents, avec à chaque fois cette dimension territoriale très forte qui est le cœur de notre action à la Banque des Territoires.

Concernant les autres thématiques, dans quels types de projets la Banque des Territoires investit-elle ?

Sur l’économie circulaire, nous voyons beaucoup de beaux projets. Je lisais un article intitulé « La France, nouvel eldorado de l’économie circulaire » et c’est vrai. Il y a une tendance de marché qui est accélérée par la réglementation, la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) notamment, et les nouvelles obligations en matière d’achats publics responsables. Nous privilégions des structures qui proposent des services auprès des collectivités ou des entreprises. Nous venons par exemple d’investir dans Moulinot, une entreprise qui propose un service innovant de collecte et de prétraitement des biodéchets, en vue d’une méthanisation ou d’un compostage, avec des emplois en insertion et une démarche très fortement engagée sur l’ESS. Moulinot n’est aujourd’hui présente qu’en Ile-de-France, et cet investissement doit permettre de financer son déploiement dans d’autres régions. Autre exemple, pour accélérer la mise en place du réemploi, nous avons récemment investi dans Uzaje, qui propose à des entreprises et des collectivités des services de lavage de contenants réutilisables, avec là encore des emplois en insertion. Dans les deux cas, il s’agit de projets d’économie circulaire à fort impact social et territorial.

Concernant les tiers-lieux, nous ne finançons pas de simples espaces de co-working, mais de véritables lieux d’innovation sociale. La dynamique est très forte : France Tiers-lieux estime qu’il y a aujourd’hui environ 2 500 tiers-lieux en France et que l’on devrait atteindre les 3 000-3 500 en 2022. Beaucoup de projets nous arrivent et nous sommes donc forcément très sélectifs, en privilégiant les projets les plus vertueux en matière d’impact extra-financier. Nous pouvons financer à la fois des projets ponctuels de tiers-lieu dans un territoire donné, mais aussi des entreprises développant des réseaux nationaux de tiers-lieux, comme par exemple Make ICI qui développe des tiers-lieux autour des métiers de l’artisanat. Sur ce sujet, notre action s’articule avec celle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ainsi que de France Tiers-lieux, et notre objectif est de privilégier des projets situés dans des territoires prioritaires – les quartiers politique de la ville, les villes des programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et les Territoires d’industrie notamment -, le défi étant de faire revenir de la vie dans des territoires en déprise. En termes de modèle économique, cela représente évidemment une difficulté… mais c’est aussi là que l’on peut avoir une vraie valeur ajoutée.

Enfin sur l’inclusion, nous sommes en lien avec le ministère du Travail qui porte une ambition très forte, avec l’objectif d’augmenter de plus de 100 000 le nombre d’emplois en insertion en France. C’est un secteur dynamique, avec des structures de l’ESS aux modèles hybrides que nous savons analyser et financer. Comme pour les tiers-lieux, nous sommes capables de financer un ESAT ou une petite entreprise d’insertion – l’association Pénélope B.A.R.RE. par exemple spécialisée dans le réemploi à Sens - comme un très grand groupe d’insertion – tel que le groupe ID’EES qui emploie plus de 4 000 salariés dont 3 800 en insertion. Par ailleurs, nous finançons des entreprises à but d’emploi dans le cadre de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée.

Notre champ d’action est donc très vaste, les projets sont nombreux et nous n’avons pas vocation à tout financer : nous cherchons à contribuer à notre mesure à cette dynamique et à entrainer à nos côtés d’autres investisseurs privés. Nous animons également un écosystème sur ces sujets et nous nous appuyons sur des partenaires, tels que France Active, qui portent d’autres fonds et dispositifs.  

La crise sanitaire a-t-elle accéléré des sujets comme la transition alimentaire et les tiers-lieux ?

Oui, absolument. L’économie circulaire également. Il y a des prises de conscience accélérées et un nombre grandissant de projets sur ces sujets-là, c’est certain. En volume d’investissement, nous sommes passés dans mon pôle de 7 millions d’euros en 2020 à 17 millions en 2021, donc une grosse accélération qui est en partie liée au plan France Relance.

Qu’aimeriez-vous dire aux entrepreneurs de l’ESS qui vous lisent ?

Je suis très enthousiaste sur ces sujets-là et j’ai envie de leur dire de se lancer, d’accélérer, de venir nous voir… Nous sommes très sélectifs, mais il y a aujourd’hui un véritable écosystème d’accompagnement qui permet aux projets d’émerger parce que les enjeux de transition écologique et sociale sont désormais au centre des préoccupations. Du fait de notre positionnement et de notre réseau d’acteurs de l’accompagnement et du financement, nous essayons d’orienter au mieux les porteurs de projet quand nous ne pouvons pas répondre nous-mêmes à leurs besoins. Je pense qu’il ne faut pas se décourager face au côté foisonnant des dispositifs et des acteurs, parce qu’il y a aujourd’hui beaucoup de moyens et de volonté de faire avancer ces sujets-là. C’est le bon moment pour porter un projet.

A propos de la Banque des Territoires

Créée en 2018, la Banque des Territoires est un des cinq métiers de la Caisse des Dépôts. Elle rassemble dans une même structure les expertises internes à destination des territoires. Porte d’entrée client unique, elle propose des solutions sur mesure de conseil et de financement en prêts et en investissement pour répondre aux besoins des collectivités locales, des organismes de logement social, des entreprises publiques locales et des professions juridiques. Elle s’adresse à tous les territoires, depuis les zones rurales jusqu’aux métropoles, avec l’ambition de lutter contre les inégalités sociales et les fractures territoriales. La Banque des Territoires est déployée dans les 16 directions régionales et les 37 implantations territoriales de la Caisse des Dépôts afin d’être mieux identifiée auprès de ses clients et au plus près d’eux.
Pour des territoires plus attractifs, inclusifs, durables et connectés. www.banquedesterritoires.fr

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