Comment innover avec ses bénéficiaires pour consolider son projet stratégique ?
Innover avec ses bénéficiaires, un levier de changement d'échelle
L’Avise anime depuis 2017 un groupe de travail sur les stratégies d’innovation comme levier de changement d’échelle qui a abouti à la publication du guide : S’engager dans une démarche d’innovation.
C’est dans le prolongement de ces travaux que l’Avise organise un cycle de temps forts dédiés à l’innovation avec ses bénéficiaires : dans l’activité courante, lors d’un premier webinaire qui s’est tenu le 23 avril dernier, ainsi que dans les choix stratégiques qui guident les entreprises de l’ESS.
Flora Barré, chargée de vie coopérative à Enercoop et Aurélien Denaes, co-gérant du tiers-lieu Casaco ont témoigné de leurs expériences d’innovation avec leurs bénéficiaires. Aurore Bimont, co-pilote de Démocratie Ouverte a apporté son regard d’expert du sujet.
Impliquer ses bénéficiaires dans la gouvernance d’une structure de grande taille
Enercoop est un fournisseur d’électricité renouvelable qui réunit 23 000 sociétaires. Son statut SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) lui permet de transcender les intérêts catégoriels en incluant l’ensemble des parties prenantes (les consommateurs, les producteurs, les salariés et les coopératives locales) dans la gouvernance.
Le plan stratégique d’Enercoop a été construit en mobilisant les salariés, les coopératives et quelques sociétaires via des modes de mobilisations divers - tirage au sort, participation sur la base du volontariat, ateliers en Assemblée générale, participation en ligne, etc. - afin que le maximum de participants s’y retrouve. Après un an et demi d’élaboration, son adoption a été un événement ! Le plan stratégique d’Enercoop porte une vision désirable et il est partagé par l’ensemble des salariés.
Cette large mobilisation des bénéficiaires correspond au projet de société d’Enercoop : c’est en mobilisant l’intelligence collective (l’avis du plus grand nombre), que la décision finale sera la plus qualitative possible. D’un point de vue pratique, l’appropriation des décisions prises facilite leur mise en action.
Autre exemple, une plateforme web a été lancée de manière accéléré, en réaction à la nécessité de tenir une Assemblée générale dématérialisée durant la crise sanitaire. Construite pour répondre aux attentes exprimées par environ 6 000 sociétaires, le « Village Enercoop » permet aux sociétaires d’échanger entre eux et avec la gouvernance d'Enercoop via de nouveaux mécanismes, compréhensibles de tous.
Au delà de la crise sanitaire, cette initiative permettra également à répondre, en partie, à la difficulté de réunir physiquement 23 000 sociétaires.
Ouvrir sa gouvernance et offrir de nouveaux lieux de débat
Casaco est un tiers lieu sous statut SCIC qui met au cœur de son projet la co-construction. Sa gouvernance s’est progressivement ouverte, passant de cinq fondateurs à l’origine, à 60 sociétaires réunis au sein de cinq collèges : bénéficiaires, co-fondateurs, salariés, partenaires et soutiens financiers.
En complément, des « Pow-wow », des agoras où chacun peut exprimer ses besoins, sont organisés dans l’espace de Casaco une fois par mois et s’adressent tout particulièrement aux bénéficiaires. La rencontre entre un espace, une communauté et une organisation politique permet ainsi à chacun de contribuer.
Par ailleurs, des séminaires sous la forme de forum ouvert (méthode permettant aux participants de décider des sujets abordés et de la manière d’y travailler) sont organisés en amont des assemblées générales. De nouveaux projets stratégiques ont ainsi émergé, telle la mise en place d’habitats coopératifs sur le bâtiment hébergeant Casaco.
Tout comme Flora Barré, Aurélien Denaes souligne l’enjeu structurant d'aligner la temporalité du projet collectif et celle de l’action individuelle. Il insiste également sur la confiance et la légitimité que la co-construction apporte aux décisions prises.
Innover avec ses bénéficiaires : conseils et points d’attention
Proposer plusieurs niveaux d’implication possibles aux bénéficiaires et donner envie aux bénéficiaires de s’impliquer dans la gouvernance, notamment en prenant soin de la convivialité de ces échanges, sont des conseils clé sur lesquels convergent les intervenants.
En complément, Aurore Bimont, co-pilote de l'association Démocratie Ouverte, le collectif de l’innovation démocratique qui promeut les initiatives œuvrant à gagner en pouvoir d’agir, conseille de se questionner d’abord sur le « pourquoi » de la volonté d’implication des bénéficiaires avant de mobiliser un statut juridique, un concept ou un outil dédié.
« Quel niveau de décision souhaitons-nous partager ? », « Les bénéficiaires vont-ils avoir un droit de suivi ensuite ? » sont les questions clés à se poser en amont afin de déterminer les outils les plus adaptés. Les plateformes web sont par exemple utiles pour agréger un grand nombre d’expressions mais elles ne permettent pas des délibérations profondes.
Aurore Bimont souligne également le besoin de réfléchir aux implications d’une ouverture de la gouvernance : impulser une démarche participative sans s’être penché sur la manière de procéder risque en effet de créer beaucoup de déception.
À ce propos, Démocratie Ouverte prévoit d’élaborer une charte de bonnes pratiques et d'accompagner sa mise en œuvre. D’ici là, chacun peut commencer à son niveau en impliquant ses bénéficiaires sur un sujet donné afin de distiller une culture de coopération au sein de sa structure.
>> Pour continuer à échanger sur ces sujets, Enercoop, la NEF, Biocoop, Coopaname et Mobicoop organiseront en 2021 le Festival des Coopératives en transition.
>> Revisionnez également le webinaire Comment innover avec ses bénéficiaires pour développer de nouveaux services? animé par l'Avise le 23 avril 2020.