Les associations au cœur du développement économique des territoires
La rédaction de cet article a été coordonnée par Bérengère Daviaud et Floriane Vernay, chargées de mission à l'Avise. L'article a été publié dans la Tribune Fonda N°245 - Associations et collectivités - Mars 2020
Les associations apportent des réponses adaptées et durables aux besoins d’un territoire. Elles témoignent d’un mode d’entreprendre local, humain et porteur d’impact social. Les collectivités prennent de plus en plus conscience de ce rôle économique des associations en les intégrant dans leur stratégie de développement économique. Il reste cependant encore des marges de progrès pour reconnaître pleinement le rôle joué par les associations dans l’animation des territoires.
Dans son manifeste pour un mouvement associatif, le Mouvement associatif énonce trois rôles centraux joués par les associations, qui en font l’une des clés des transitions écologiques et solidaires à mener :
- renforcement du lien social
- humanisation de l’économie
- réveil de la démocratie
Si les premier et troisième rôles sont plus communément reconnus, le deuxième, lui, souffre encore trop souvent de préjugés qui tendent à diminuer voire à nier aux associations leur place centrale dans le développement économique des territoires.
Pourtant, face aux défis sociétaux actuels, force est de constater que les acteurs associatifs, forts du lien social qu’ils bâtissent et de l’expression citoyenne qu’ils favorisent, sont non seulement souvent les premiers à expérimenter et développer de nouveaux biens et services accessibles, mais aussi les premiers à rassembler les acteurs d’un territoire pour inventer des réponses adaptées et durables, et les premiers à favoriser le développement d’un entrepreneuriat local, humain et porteur d’impact social. En retour, un nombre croissant de collectivités locales font évoluer leurs pratiques et leur dédient une place spécifique dans leur stratégie de développement économique, que ce soit en tant que bénéficiaires, contributrices ou partenaires de mise en œuvre.
Les associations, créatrices d’activités innovantes et d’emploi durable
Si l’on connaissait la place centrale du champ associatif au niveau national, de nouvelles études menées en 2019 par le CNCRESS, l’Avise et le RTES sur l’économie sociale et solidaire (ESS) dans les territoires ruraux sont venues renforcer ce constat. Dans ces territoires où l’ESS représentait 17,7% de l’emploi privé en 2015, le champ associatif en constitue le principal moteur (84% de la croissance de l’emploi entre 2008 et 2015).
Pour l’expliquer, on retrouve d’une part, comme sur l’ensemble des territoires, la contribution des associations aux activités vectrices d’attractivité, telles que l’éducation populaire, les sport et loisirs ou les arts et spectacles. Trop souvent sous-évaluées quant à leur contribution au développement local, de nombreuses agences de développement économique travaillent pourtant aujourd’hui à l’enrichissement des offres socio-culturelles, essentielles pour attirer des actifs et permettre aux entreprises locales de recruter.
D’autre part, ces territoires aux fractures économiques et sociales accentuées révèlent le potentiel d’innovation économique des acteurs associatifs qu’on retrouve de plus en plus dans les secteurs du commerce, du tourisme ou du soutien aux entreprises (à travers l’insertion par l’activité économique notamment). Lieux d’expression citoyenne, ils sont en effet le terrain privilégié de projets de revitalisation impulsés par des collectifs citoyens engagés. Par exemple, alors que les petits commerces ruraux tendent à disparaître, on observe l’ouverture de tiers-lieux ou de cafés-épiceries associatifs basés sur des modèles innovants de pluriactivités. C’est par exemple le cas du café associatif La Cambuse, créé en 2012 à Langouët (Ille-et-Vilaine) suite à la fermeture du dernier commerce, qui propose quatre volets d’activité : économique avec la vente de produits locaux, mais aussi culturel, social et éducatif.
Loin de se limiter au champ commercial et aux territoires ruraux, on retrouve des projets économiques associatifs innovants sur l’ensemble des filières d’avenir et des territoires : garages solidaires et auto-écoles sociales sur la mobilité, associations de producteurs dans l’agriculture, micro-crèches et conciergeries solidaires dans les services de proximité, etc.
Les associations, engagées dans le soutien à l’économie locale
Au-delà du portage direct d’activités économiques, ce sont en grande partie les associations qui animent les réseaux d’entreprises locales et les programmes d’accompagnement des structures de l’ESS, comme l’illustrent le réseau des opérateurs du dispositif local d’accompagnement ou encore le panorama des acteurs de la création d’entreprises de l’ESS réalisé par l’Avise. À travers ces programmes, c’est une vision inclusive de l’entrepreneuriat qui est portée, accessible à tous et tournée vers des solutions à fort impact social et environnemental.
En plus de l’appui à un entrepreneuriat local inclusif, les associations ont récemment renforcé leur fonction d’animation territoriale. Créé en 2010 par l’Avise et ses partenaires, le dispositif Fabrique à initiatives, porté en local par un réseau de dix-neuf structures associatives, en est un exemple concret. En partant d’un besoin sociétal, d’une idée d’activité d’utilité sociale ou d’un territoire, la Fabrique à initiatives réalise un diagnostic participatif, se saisit des idées pertinentes non portées et les développe grâce à son expertise en matière d’innovation sociale et la mise en place de groupes-projet, constitués d’experts sectoriels, de collectivités, d’acteurs de l’ESS et d’entreprises privées lucratives. Elle transforme ainsi les besoins en opportunités et les ressources du territoire en activités durables.
Comme l’a soulevé Hugues Sibille, président d’honneur de l’Avise, à l’occasion des dix ans du dispositif en octobre 2019, celui-ci a induit deux ruptures essentielles dans la création d’activité :
- premièrement, le fait que l’on puisse différencier l’idée de projet du porteur de projet : les habitants et usagers d’un territoire sont les plus à même de s’exprimer sur leurs besoins ;
- deuxièmement, la sortie de l’approche « accompagnement-projet-création », au profit d’une réflexion plus globale intégrant le territoire et l’écosystème local dans son ensemble, dans la co-construction de solutions où chacun s’engage à son échelle.
Ainsi, Toulouse Métropole porte avec France Active Midi-Pyrénées la Fabrique à initiatives via son incubateur Première Brique, à laquelle elle confie par exemple l’étude de besoins et d’idées dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville. En Bourgogne-Franche-Comté, la région soutient le dispositif Fabrique à initiatives porté par le générateur BFC, afin qu’il accompagne les territoires dans la création d’activités innovantes et durables.
Un changement de posture progressif des collectivités
En réponse, un nombre grandissant de collectivités intègrent les associations au cœur de leur stratégie économique, de la définition des besoins à la mise en œuvre de solutions, et ce, au-delà des phases consultatives menées dans le cadre de l’élaboration des schémas et plans de développement territorial (à l’instar de l’élaboration des contrats de ville ou des contrats de ruralité où les associations ont toujours eu une place de choix).
Tout d’abord, de nombreuses collectivités locales, comme c’est le cas d’une majorité de métropoles, incluent désormais l’ESS à leur direction développement économique, qui travaille de concert avec d’autres directions sectorielles au soutien des projets d’innovation sociale pourvoyeurs d’activité économique.
Ensuite, sur l’accompagnement à la création d’activités d’utilité sociale, les collectivités offrent un soutien renforcé aux associations accompagnatrices : une dizaine de métropoles sont ainsi partenaires d’incubateurs de l’ESS portés par des associations. Également partenaires privilégiées des structures porteuses de la Fabrique à initiatives, les collectivités s’appuient sur les associations pour détecter les besoins et imaginer des solutions. Ainsi, en 2017, le Pays Périgord vert a sollicité l’association ATIS afin qu’elle identifie les filières génératrices d’emploi sur le territoire pour mieux orienter les stratégies d’investissement et d’action locale.
Au-delà de ces partenariats spécifiques, les collectivités laissent une place plus large aux associations dans les projets de territoire qu’elles structurent, comme c’est le cas du parc naturel régional de Millevaches ou encore des communes de Loos-en-Gohelle (Nord) et de Langouët (Ille-et-Vilaine), aujourd’hui reconnues pour leur engagement écologique et l’implication forte des acteurs associatifs dans le développement local. De la même manière, en Meurthe-et-Moselle, le département a octroyé une place privilégiée aux associations dans le processus d’élaboration de son plan alimentaire territorial. La collectivité a en effet choisi d’impliquer des structures d’insertion, des centres communaux d'action sociale et des structures nationales (ATQ Quart monde, la Croix-Rouge française, le Secours catholique…) dont les nombreuses activités participent au développement du territoire : achats groupés, jardins partagés, aide alimentaire, actions de prévention et de sensibilisation, etc.
Ces exemples illustrent la marge de manœuvre laissée par l’acteur public sur des orientations qui influencent les futures politiques locales d’aménagement, d’investissement ou d’approvisionnement. Plus que la participation à l’action locale, certaines associations prennent donc une fonction de développeur économique, que celle-ci soit impulsée par la collectivité ou non. Sur le territoire du PNR Vercors, on observe ainsi que malgré la relative absence de coordination des politiques publiques pour soutenir le champ associatif, les initiatives d’innovation sociale (centrales villageoises, tiers-lieux, ressourceries) se multiplient et participent à renforcer son attractivité et son développement durable.
Vers une reconnaissance du rôle d’animation territoriale ?
Malgré ces évolutions et le nombre important de données venant appuyer le rôle central des associations pour le développement des territoires, ces dernières sont confrontées à de nombreuses difficultés, en plus de connaître des situations contrastées d’un territoire à l’autre. La complexification des modes d’intervention, la baisse des financements publics, le morcellement des dispositifs ainsi que les modalités de soutien par mise en concurrence et appels à projets induisent des temps de mobilisation et des ressources conséquents, ainsi qu’une concentration des financements sur des projets au développement rapide. Ces différents éléments nuisent en outre à la création de dynamiques partenariales à long terme, permettant aux projets de se consolider et aux acteurs de développer des coopérations.
De plus en plus sollicitées dans le cadre des processus consultatifs et programmes de développement local, les acteurs associatifs peinent également à faire reconnaître et appuyer leur mission d’animation territoriale. Pour y répondre, pourquoi ne pas commencer par faire reconnaître que les trois piliers identifiés par le manifeste pour un mouvement associatif – renforcement du lien social, humanisation de l’économie et réveil de la démocratie – sont en réalité indissociables ?
Pour aller plus loin
>> Découvrez l'étude Tressons - L’ESS dans les territoires ruraux, publiée en 2019 par l'Avise, le RTES et l'Observatoire national de l’ESS du CNCRESS
>> Consultez l'étude Métropoles, économie sociale et solidaire & innovation sociale, publiée en 2019 par l'Avise et le RTES
>> Retrouvez le mode d'emploi La création d'activités d'utilité sociale, édité par l'Avise en 2016 (maj : décembre 2019)
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