Aux racines de l’économie collaborative
L’économie du don
Contrairement à l'acte d'échange (sous forme de troc ou par le biais d’une monnaie), le don consiste à donner sans contrepartie. Le don est un geste commun, quotidiennement pratiqué : don matériel ou monétaire à destination d’associations, de proches ou de personnes en difficulté, don de temps via le bénévolat ou dans le cadre du travail domestique effectué au profit d’autrui, etc.
Anthropologues, sociologues ou activistes se sont intéressés à la notion d’économie du don comme concept social ou opportunité de redéfinition du fonctionnement d’une société. C'est le cas de Mark Boyle, activiste irlandais qui a publié en 2010 The Moneyless Manifesto, un manifeste pour une vie sans argent, faite de dons et de sobriété. Selon lui, la suppression de la « réciprocité immédiate » dans l’échange favoriserait le lien social, renforcerait la qualité des relations et inciterait celui qui a reçu à donner à son tour, suscitant une chaîne vertueuse.
Certains acteurs de l’économie collaborative sociale et solidaire s’inspirent de cette conception, en invitant les utilisateurs à mettre à disposition gratuitement leurs biens ou leurs compétences, favorisant ainsi la création de lien social. Exemple avec le cas des Repair Cafés, qui rassemblent des bénévoles prêts à offrir leur temps et leurs compétences pour permettre à tous de réparer leurs équipements et matériels endommagés.
Le mouvement Do it Yourself (« Fais-le toi-même »)
Depuis plusieurs années, on assiste à une forte montée du mouvement Do it yourself (DIY), né en 1968 aux États-Unis avec le lancement du Whole Earth Catalog de Stewart Brand, catalogue conçu et réalisé de façon rudimentaire au sein de la communauté hippie de Californie.
Dans tous les domaines, des individus font le choix de bricoler, fabriquer eux-mêmes des produits, plutôt que de faire appel à des circuits de production et distribution classiques.
Ce mouvement alternatif informel, qui apparaît en réaction à la surconsommation et à la baisse du pouvoir d’achat, répond à une volonté de plus en plus prégnante d’être acteur de sa consommation afin de mieux maîtriser l’objet et les conséquences de cette dernière. Cela se traduit notamment par l’essor de lieux pour produire et bricoler ensemble qui permettent le partage de techniques et de connaissances – les Fablabs – mais aussi de multiples ateliers de sensibilisation au Do it yourself ou de fabrication artisanale issus du milieu écologiste, tels que ceux proposés par la Maison du Zéro Déchet à Paris.
Le mouvement des communs
Dans les années 1980, plusieurs économistes ont développé la notion de « communs ». Selon David Bollier, chercheur et militant américain, les communs sont une « nouvelle manière de penser et de prendre soin des ressources qui n’appartiennent ni à un acteur privé, ni à un acteur public, et qui sont partagées et gérées par une communauté qui en définit les droits d’usage (accès, partage, circulation) ». Un commun est ainsi une ressource naturelle ou un bien matériel (ex : un jardin partagé) ou immatériel (ex : des logiciels libres) partagé et géré par une communauté.
La pensée des communs, bousculant le rapport à la propriété individuelle, optimise l’utilisation du bien ou de la ressource, comme l’a notamment démontré Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie 2009, dans son ouvrage La Gouvernance des biens communs : Pour une nouvelle approche des ressources naturelles. Les différentes théories des communs ont notamment contribué à l’émergence de l’économie collaborative en formalisant la notion d’échange de pair à pair, de projets communautaires, mais aussi en renouvelant l’approche de la gouvernance au sein des projets collectifs.
Certains projets de l’économie collaborative sociale et solidaire sont ainsi gérés comme des communs : chez OpenStreetMap, par exemple, une communauté de plus d’un million d’utilisateurs se rassemble autour de la mise en commun de leur connaissance du territoire, avec pour objectif de créer collectivement une cartographie du monde accessible à chacun, modifiable et utilisable par tous. Cette communauté s’autorégule, améliore et corrige sa base de données en continu ; elle est actrice de la gestion et de l’amélioration du service proposé.
L’économie de la fonctionnalité
L’économie de la fonctionnalité est un concept développé dans les années 1980 par l’architecte et consultant suisse Walter Stahel qui a été repris, deux décennies plus tard, par le philosophe franco-suisse Dominique Bourg. Le concept s’est ensuite popularisé en France, grâce au Grenelle de l’environnement de 2007. L’économie de la fonctionnalité consiste à privilégier l’usage à la possession d’un produit.
L’économie de la fonctionnalité consiste à fournir aux entreprises, individus ou territoires, des solutions intégrées de services et de biens reposant sur la vente d’une performance d’usage ou d’un usage et non sur la simple vente de biens. Ces solutions doivent permettre une moindre consommation des ressources naturelles dans une perspective d’économie circulaire, un accroissement du bien-être des personnes et un développement économique.
Le réseau d’autopartage Citiz, coopérative présente dans plus de 110 villes en France, permet aux particuliers de louer des véhicules pour de petites périodes (une après-midi, une journée…) et de payer l’usage réel qui est fait du véhicule. C’est l’entreprise qui possède les véhicules et en assure l’entretien. La prise en charge de l’ensemble du service – notamment l’achat et l’entretien des véhicules, et la variété des véhicules proposés par Citiz permet aux usagers une utilisation facile et adaptée à leurs besoins, tandis que le partage des véhicules par une communauté d’utilisateurs évite une production massive de véhicules peu utilisés, encombrant les espaces publics ou privés.