Clarifier le projet commun
Formaliser et réinterroger sa raison d’être
La raison d’être d’une organisation se définit comme « ce que l’organisation apporte au monde ». De plus en plus d'entreprises prêtent attention à cette notion, mais les entreprises de l'ESS ont déjà une raison d’être par nature : c’est l'utilité sociale qu'elles mettent au cœur de leur projet.
Il est tout de même important de réinterroger régulièrement sa raison d’être de manière collective, car elle évolue avec le temps. La formaliser consiste à « révéler ce qui est vivant » au sein de l’organisation. Elle n’est ni un objet de communication, ni un objectif fixé par les dirigeants, mais émane du sens que ses membres portent au projet collectif.
Formaliser sa raison d’être et l’actualiser grâce à un travail d’intelligence collective permet à toutes les parties prenantes de disposer d’une boussole opérationnelle permettant, au quotidien, de prendre des décisions plus justes au regard du projet collectif. Pour le prospectiviste Martin Serralta, la raison d’être doit résumer le « grand pourquoi » et la « manière spécifique d’agir » de l’organisation.
Voici quelques exemples de raisons d’être d’organisations de différentes tailles et différents statuts (attention, elles ne correspondent pas nécessairement à la formulation de la mission ou de l’objet social écrits dans les statuts) :
- Alenvi : « Apporter une réponse humaine au choc démographique qui s’annonce ».
- Crédit Coopératif : « Une autre banque est possible pour construire une autre économie, plus humaine »
- Enercoop : « L’énergie militante »
- Les Francas : « Agir pour l’accès de tous les enfants et adolescents à des loisirs de qualité en toute indépendance et selon le principe de laïcité »
- Phoenix : « Aider les entreprises à transformer les déchets en richesse en utilisant les flux de l'économie circulaire »
- Social Bar : « Inventer et expérimenter de nouvelles manières d'accueillir, de briser la glace et de créer des espaces de rencontre ».
Pour définir plus précisément son projet collectif, il est possible d’utiliser le canevas suivant :
- Notre raison d’être / notre idéal : Qu’est-ce qui nous anime ?
- Notre vision / notre ambition : Que voulons-nous devenir (par exemple dans 5 ans) ?
- Notre mission / notre quotidien : Comment agissons-nous ? Que faisons-nous ?
- Notre identité / nos valeurs : Qui sommes-nous ?
Les collaborateurs du groupe d’insertion Arès ont donné une forme symbolique à cette « carte d’identité » et se sont même dotés d’une devise :
Des règles et principes connus, approuvés, amendables
De la même manière, une structure se dotant de règles et principes formalisés permet à ses membres de prendre conscience du cadre de liberté dans lequel ils peuvent évoluer. Paradoxalement, cela peut donc soutenir l’autonomie et la créativité !
La clarification des principaux processus de décision permet d’éviter deux écueils : d’un côté, les dérives autoritaires, de l’autre, la désorganisation.
Plusieurs documents peuvent rendre ces « lois fondamentales » transparentes. Il n’existe pas de définition commune, mais il est possible de retenir qu’en général :
- un manifeste affirme la vision et les convictions d’un collectif (ex. : manifeste de l'association Savoircom1, manifeste de Démocratie Ouverte) ;
- une charte indique les comportements attendus des membres de l’organisation, généralement sous forme de libertés, parfois de lignes rouges, et de valeurs. Elle reflète la manière dont un collectif décide de "faire ensemble" (ex. : charte relationnelle des Colibris, charte des collectifs locaux du Pacte pour la transition) ;
- un règlement intérieur, en complément des statuts, détermine les règles de fonctionnement des organes et des membres d’une organisation (attributions, droits, devoirs, interdits, etc.). Il peut prendre des formes originales comme une carte heuristique (ex : Carte des règles de fonctionnement de SavoirCom1) ;
- un livret d'accueil ou un manuel favorise l’intégration des nouveaux membres (ex. : La Louve).
Ces documents peuvent être complémentaires, comme en témoigne le corpus de textes fondamentaux d’Emmaüs International. Même sans statuts, un collectif peut se doter d’une charte ou d’un manifeste car ces outils ont avant tout pour fonction de rassembler.
Il est aussi important de disposer d’un document en ligne, facilement consultable, qui retrace le “qui est responsable de quoi” dans l’organisation pour assurer la bonne circulation de l’information sur des rôles et des responsabilités.
Article conçu sur la base d’un dossier réalisé avec Démocratie Ouverte.