Les différentes formules qui s'offrent aux acteurs de la culture
Les collectifs artistiques
Les collectifs artistiques - compagnies, équipes artistiques, groupes de musique, ensembles du spectacle vivant - représentent plus de 6 000 associations employeuses en France. Le modèle dominant des compagnies de spectacle est celui d’une petite structure associative non lucrative, employant un ou des artiste(s) et bénéficiant des règles particulières d’assurance chômage des intermittents du spectacle.
Ces structures produisent et exploitent des spectacles et développent en complément des actions culturelles sur leurs territoires d’implantation et d’intervention. La faiblesse des charges fixes leur donne une grande flexibilité, qui engendre souvent un contrôle renforcé. C'est notamment le cas en ce qui concerne les associations employant en contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) les directeurs artistiques et artistes du spectacle qui travaillent à des activités non directement liées à la préparation ou à la représentation de spectacles. Les collectivités publiques interviennent dans leur économie, par des achats de prestations, des subventions ponctuelles ou des conventions spécifiques. D’autres aides à la création ou à l’action culturelle leur sont accordées par des agences d’État ou agences régionales de la culture, sociétés civiles, inspection académique, etc.
Les collectifs d’artistes, sous formes associatives, témoignent de pratiques coopératives qui se multiplient aussi dans les arts plastiques. Si ces pratiques concernaient jusqu'ici plus particulièrement les acteurs de la peinture et la sculpture, elles ont désormais été adoptées par d'autres acteurs culturels explorant les anciens et nouveaux médias (photographie, vidéo, multimédia, son) ainsi que le design et les nombreuses pratiques artistiques expérimentales (performance, pratique corporelle).
Ces équipes artistiques sont toutefois confrontées à la baisse des subventions des collectivités, à la concentration des moyens de l’Etat et au resserrement des capacités de diffusion professionnelle. Pour y faire face, elles se professionnalisent et s’efforcent de proposer de nouvelles coopérations (projets collectifs, accompagnement d’équipes émergentes, partenariats territoriaux…).
Le groupement d'employeur (GE)
Sous forme associative ou coopérative, le groupement d'employeurs (GE) permet à de petites entreprises, des associations notamment, de se regrouper pour employer ensemble des salariés. Ces derniers sont embauchés par le GE et partagent leur temps de travail entre les entreprises adhérentes. L'objectif est de permettre de répondre aux besoins des entreprises, tout en sécurisant le parcours du salarié et en lui proposant dès que possible un CDI à temps complet.
Ainsi l'association Agec&Co est un groupement d'employeurs de la culture et de l'économie créative qui compte 65 entreprises adhérentes et 21 salariés en Nouvelle-Aquitaine. « En regroupant les besoins à temps partiel des adhérents, il construit des emplois à temps pleins partagés dans les domaines tels que le théâtre, la danse, la musique, le patrimoine, les arts visuels, le cinéma, le livre », précise ce GE sur son site internet.
Dans des secteurs aussi précaires que ceux de la culture, le GE apporte de la stabilité, de la cohérence dans les parcours professionnels et du lien entre les entreprises. Il permet le développement des capacités et connaissances des salariés comme des employeurs. En intégrant une GE, les associations et autres entreprises culturelles qui n'ont souvent pas beaucoup de temps à consacrer aux enjeux de ressources humaines et de formation sont responsabilisées par un cadre collectif qui protège leurs employés. Dans une enquête de septembre 2017, Opale a aussi mis en avant le fait que le GE permettait aux acteurs culturels de prendre davantage de risques, de tester de nouveaux projets par exemple.
Plus de 700 GE sont recensés en France et 27 % d'entre eux officient dans le domaine de la culture, comme le rapporte une étude du cabinet Geste publiée en octobre 2016. À noter que pour permettre à des personnes éloignées de l'emploi de s'inscrire dans un parcours d'insertion et de qualification, des entreprises peuvent également créer un groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ).
Le Pôle territorial de coopération économique (PTCE)
Les PTCE sont en quelque sorte les pôles de compétitivité de l'ESS : ils visent à favoriser une coopération entre acteurs (associations, coopératives, collectivités territoriales, entreprises classiques, universités…) pour porter un projet économique favorable à un développement local durable. Soutenus initialement par le Labo de l'ESS et reconnus dans la loi sur l'ESS de 2014, ces pôles visent à susciter des formes de collaboration et de mutualisation propices à la création d'activité et d'emplois, à la structuration de filières et à l'innovation sociale.
La Coursive Boutaric, par exemple, réunit au cœur du quartier des Grésilles à Dijon une vingtaine de membres des secteurs créatifs, artistiques et culturels, dont des sociétés (production, événementiel, communication…) aux statuts conventionnels, des associations (radio, plateforme du cirque, etc.), l'établissement public de la ville de Dijon dédié aux musiques actuelles, la Scic la Péniche Cancale, etc.
L'objectif est triple : structurer la filière par un appui à l'émergence et à la professionnalisation, contribuer à l'attractivité d'un quartier en requalification et accélérer le développement des entreprises du pôle. Des services mutualisés sont ainsi proposés aux entreprises (prospection commerciale, location de bureaux, groupement d'achats responsables…) et des projets participatifs sont mis en œuvre collectivement. Ainsi, les membres du PTCE ont impliqué les habitants dans le réaménagement d'une esplanade de 5 000 m2 ; le nouveau jardin, doté de bacs à potager, de tables de pique-nique ou encore de jeux, est désormais géré par une association d'habitants créée à cette occasion.
Chaque PTCE a son identité et son fonctionnement propres, liés à ses membres et au territoire dans lequel il est implanté. Une étude de 2015 publiée sur le site d'Opale intitulée PTCE culture : des regroupements pragmatiques dans des secteurs d'activité de grande incertitude, donne une idée de cette diversité, à travers l'analyse de quatre exemples.
Selon une étude publiée par le Labo de l'ESS en 2021, on estime le nombre de PTCE créés en France à 74, dont 56 actifs. 13% des structures investies dans ces pôles relevaient des secteurs de la culture et des industries créatives.
La coopérative d'activité et d'emploi (CAE)
Les CAE permettent à des porteurs de projets ou des travailleurs indépendants d'entreprendre dans un cadre collectif et coopératif.
Selon le réseau Coopérer pour entreprendre, la CAE pourrait être une réponse aux défis de l'entrepreneuriat culturel. La CAE est en effet une solution à l'isolement des entrepreneurs culturels, mais aussi à la problématique de la pluriactivité (les professionnels de la culture cumulant souvent plusieurs activités, type création et enseignement, sous des statuts différents) et au manque de connaissances liées à la gestion d'une entreprise.
En hébergeant son activité dans une CAE, l'entrepreneur-salarié dispose d'un cadre sécurisant et simplifié (protection sociale liée au statut de salarié, hébergement juridique) et d'un appui (services mutualisés, accompagnement, échanges avec les autres entrepreneurs…) propice au développement et à la diversification des activités. En outre, de nouveaux projets naissent souvent de la collaboration entre les membres de la coopérative.
Sans avoir le statut de CAE, le réseau Smart (Société mutuelle pour artistes) propose des services similaires dans neuf pays d'Europe, dont la France depuis 2009 et la Belgique, pays d'origine, depuis 1998. Porté par une Scic, Smart France est actuellement implanté dans une quinzaine de villes et regroupe quelques 16 000 sociétaires. Les services proposés s'adressent aux travailleurs indépendants (portage salarial, paiement des salaires à sept jours et fonds de garantie, accompagnement, assistance juridique…) et aux entreprises (gestion sociale, avance du paiement des salaires et des charges…).
La société coopérative et participative (Scop et Scic)
Une société coopérative de production (Scop) est une société coopérative de forme SA, SARL ou SAS dont les salariés sont les associés majoritaires, c’est-à-dire que ceux-ci détiennent au moins 51% du capital social et 65% des droits de vote. Selon la CG Scop, « si tous les salariés ne sont pas associés, tous ont vocation à le devenir ». La gouvernance d'une Scop est démocratique et la répartition du profit équitable : une part pour tous les salariés, une part pour les salariés associés, une part pour les réserves de l'entreprise.
Le projet d'une Scop est souvent lié à son histoire : création ad-hoc, changement de statut d'une association afin de consolider le modèle économique, reprise d'une entreprise par ses salariés, etc. Parmi les Scop culturelles figurent entre autres la Manufacture chanson (Paris), Akompani (Pantin) ou encore la librairie Les Volcans (Clermont-Ferrand).
La société coopérative d'intérêt collectif (Scic) a un fonctionnement proche de celui de la Scop. Principale différence : le capital est détenu par une diversité de parties prenantes (salariés ou producteurs, clients, bénévoles, collectivités territoriales, fournisseurs…) et la gouvernance est donc collégiale.
Fin 2016, la CG Scop dénombrait 60 Scic culturelles et indiquait que ce statut était plébiscité pour porter des projets culturels de toutes sortes : patrimoine, spectacle vivant, enseignement culturel ou encore production de films. Le multi-sociétariat, l'implication de partenaires nombreux et divers et la possibilité pour les collectivités d'entrer au capital entraînent de fait un modèle atypique d'entreprise d'intérêt collectif, bien souvent territorial. La formule est donc intéressante pour les projets culturels fortement ancrés dans leur territoire, tels que la Scic Tënk, qui organise depuis Lussas – la ville du célèbre festival – la coopération entre des acteurs du documentaire, pour produire et diffuser de nouveaux films.
Lieux de coopération culturels et artistiques : les lieux intermédiaires
Espaces de travail, de création et parfois de diffusion artistique et culturelle, les lieux intermédiaires sont des lieux de coopération qui permettent la mutualisation de locaux, de services (accompagnement administratif et juridique, aide à la production et à la diffusion, communication, régie technique, conseil artistique, etc.) ou d’équipements entre professionnels de la culture ou de la création artistique.
Selon Opale, de nombreuses appellations sont utilisées à propos de ces lieux intermédiaires - tiers-lieux, lieux alternatifs, hybrides, indépendants ou intermédiaires, friches culturelles, espaces-projets ou encore fabriques artistiques – rendant bien l’hétérogénéité de leurs modèles économiques, juridiques ou de gouvernance mais aussi de leurs actions et de leurs projets.
Ce sont des lieux non institutionnels, multiculturels, accueillant des collectifs d’artistes, souvent implantés sur des friches industrielles et dans leur grande majorité dans des quartiers défavorisés. Leur objectif est d’aller à la rencontre du public quel que soit le lieu, cités, beaux quartiers, territoires ruraux et de créer ainsi une mixité sociale par des initiatives à tarification très réduite voire parfois gratuite dans un climat de convivialité.
Lieux de coopération et de dynamiques collectives, ces espaces qui misent sur les échanges informels entre paires et résidents, ouvrent l’opportunité d’un partage de savoirs et de savoir-faire (conseils, transferts de connaissances et de compétences, échanges d’informations, etc.) en dehors des silos sectoriels et permettent ainsi l’émergence d’une grande inventivité artistique mais aussi sociale.
Enfin, ces lieux à forte dimension territoriale revendiquent une relation horizontale et collaborative avec les publics et organisent, à ce titre, de nombreuses actions sous l’angle de l’interculturalité, du dialogue des cultures : ateliers, rencontres, accueil d’initiatives locales, créations participatives, etc.