L'ESS s'empare du numérique pour booster l’insertion
Un levier de remobilisation des jeunes
« Le numérique tout seul ne veut plus dire grand-chose. Il est surtout intéressant de voir comment le numérique peut changer les usages », explique Emmanuel Saunier, directeur de la Scic R2K. La coopérative prépare des jeunes non-bacheliers à l’emploi dans des métiers émergents du numérique. Elle accompagne aussi à l’acquisition de compétences numériques dans des métiers transformés par l'usage des nouvelles technologies.
Dans les quartiers populaires de Tours, l'association CoopAxis génère des innovations sociales autour des usages numériques. Jamais à court d’idées, le pôle porte depuis deux ans l’opération « brigades numériques », un parcours entrepreneurial de 8 semaines. Des jeunes de 18 à 25 ans, sans emploi et sans projet de formation, sont accompagnés dans le prototypage d’un service numérique à destination des habitants.
"Le numérique est un levier de remobilisation de ces jeunes et permet de susciter leur curiosité et d’aller plus loin avec eux", explique Malvina Balmes, coordinatrice du dispositif. "Au quotidien, leur usage de l’outil numérique n’est pas si important et créatif : ils en sont surtout consommateurs. Il s’agit donc d’élargir le potentiel de leurs usages."
Les résultats sont au rendez-vous : des jeunes ayant suivi le parcours ont ensuite repris un projet de formation, notamment en intégrant la formation « découverte des métiers du numérique » cofinancée par la Région Centre-Val de Loire.
Répondre aux besoins des entreprises
L'association Le PoleS a lancé l'école du web dans les quartiers pour élargir les perspectives des jeunes issus des quartiers prioritaires et répondre aux besoins en recrutement des entreprises du secteur numérique. Ce cursus intensif d’apprentissage ouvert aux jeunes demandeurs d’emploi de faible niveau de qualification, forme ces derniers au métier d’intégrateur-développeur. « Ce parcours emploi formation de 10 mois est mis en œuvre dans le cadre de chantiers d’insertion de 12 personnes », explique Claude Sicart, président de l’association.
La formation s'organise en cinq phases :
- la mise à niveau sur la maîtrise des outils numériques ;
- la phase intensive de codage ;
- la production collective ;
- la mise en situation de travail ;
- la recherche d’emploi.
« On a pris la mesure de la difficulté de pénétrer des grands groupes et on a fait le choix de cibler des PME et TPE », explique Claude Sicart. « Ceux qui sortent de grandes écoles comme Epitech veulent tout de suite être chefs de projet et ne restent pas dans les petites structures. » L'école du web répond donc à des besoins en recrutement spécifiques sans pour autant fermer de portes à ses apprenants : un ancien participant a rejoint l'entreprise Vente-privee.com et un second a poursuivi son cursus à l’école 42, fondée par l'entrepreneur Xavier Niel.
Au-delà de la formation aux métiers du numérique, l'enjeu est aussi d'assurer une mise à niveau face à la transformation plus générale des métiers. En 2018, le chantier d'insertion "Chantier connecté", porté par un membre de la coopérative R2K, lancera la première édition de sa formation labellisée Grande Ecole du Numérique. Ce parcours d'insertion dans les métiers du bâtiment inclut l'acquisition de connaissances techniques et numériques utiles pour intervenir sur des chantiers.
Chez CoopAxis, un jeune participant à l'opération "brigades numériques" a poursuivi par un service civique au sein du pôle. « Il veut devenir animateur et intègre désormais le numérique à sa pratique métier », explique Malvina. « Il coordonne un blog de quartier et anime Passerelles Numériques, un lieu de découverte du numérique. »
Se rapprocher de l’écosystème numérique
L'association Le PoleS a encore plusieurs défis à relever, dont la maîtrise de l’écosystème numérique local, pour faciliter l'insertion des jeunes à la sortie de la formation. « La vraie difficulté c’est vraiment la compréhension et l’analyse des besoins du territoire et de parvenir à réunir l’ensemble des acteurs », relève Claude Sicart. Un enjeu de mise en relation auquel les collectivités locales, notamment les municipalités, peuvent répondre. « La Mairie de Poissy va réunir l’ensemble des acteurs du numérique du territoire », précise Claude.
Pour assurer ce rôle d'acteur pivot, des Régions ont choisi de mettre l’accent sur la réflexion collective et territoriale. En novembre 2017, la Région Centre-Val de Loire a inauguré le premier Conseil régional du numérique (Cr'Num).
Baptiste Chapuis, chargé de projet TIC à la Région, explique : « Ce conseil réunit un ensemble d’acteurs très impliqués dans leur domaine comme des organismes de formation et des associations de médiation, d’e-inclusion ou qui proposent des formations au codage. Nous avons fait le choix de ne pas avoir les acteurs institutionnels pour avoir une structure très opérationnelle et proche du terrain. » Les acteurs seront notamment amenés à proposer ensemble des initiatives pour assurer la transformation numérique de la Région.
Mobiliser les soutiens locaux et régionaux
À l'heure du manque de dotations pour les dispositifs d'insertion, l'association Le PoleS a décidé de candidater à l’appel à projets « le numérique au service de la formation professionnelle » lancé par le Conseil régional d’Île-de-France fin 2016.
« L'idée de cet appel à projets, comme celle de l'appel à manifestation d'intérêt sur les formations à distance innovantes, est de permettre aux organismes de formation de s'emparer du numérique et de l'utiliser pour la progression des individus », explique Said Ouairem, chargé de mission à la Région Ile-de-France. L'appel à projets a récompensé 19 lauréats pour un total de 26 millions d'euros.
Lauréate, l'association Le PoleS a bénéficié d'une subvention de 200 000 euros. Claude Sicart précise : « C’est une forme de reconnaissance et un soutien essentiel qui nous a offert une capacité d’investissement. » Aujourd’hui, trois écoles du web sont déjà ouvertes à Villeneuve-la-Garenne, Pantin et Pierrefitte-sur-Seine. Deux écoles supplémentaires ouvriront à Poissy et Vitry-sur-Seine au premier trimestre 2018.