Rendre l’éducation accessible à toutes et tous
Existe-t-il une définition de l’éducation populaire ou plusieurs ?
Comme le rappelle le Conseil économique social et environnemental (CESE) dans un avis rendu en 2019, « il n’existe pas une définition arrêtée de l’éducation populaire, mais des définitions ». Cela tient notamment au foisonnement des acteurs opérant dans le champ de l’éducation populaire en s’appuyant sur des lectures souvent différentes, voire antagonistes, de ce que constitue l’éducation populaire et des enjeux qu’elle recouvre.
Pour Jean-Claude Richez, historien et spécialiste de la question, l’éducation populaire se caractérise par la poursuite d’un double objectif : « favoriser l’accès du plus grand nombre à la culture, d’une part, et d’autre part, l’accès aux savoirs et à la culture comme condition de l’exercice de la citoyenneté ». Pour mener à bien ces missions, les acteurs de l’éducation populaire peuvent notamment s’appuyer sur « la mise en œuvre de pédagogies actives mobilisant les capacités et compétences du sujet apprenant et le plaçant en position d’acteur ».
Auditionné par le CESE en 2019, François Mandil, président du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (Cnajep), relève pour sa part que l’éducation populaire consiste dans la mise en œuvre, par les organisations actrices de l’éducation populaire, de méthodes actives d’éducation qui visent à l’émancipation.
Si les définitions de l’éducation populaire sont nombreuses, il s’agit de façon générale « de faciliter l’accès aux savoirs, à la culture, afin de développer la conscientisation, l’émancipation et l’exercice de la citoyenneté, en recourant aux pédagogies actives pour rendre chacun acteur de ses apprentissages, qu’il partage avec d'autres », résume l’enseignant-chercheur Christian Verrier.
Une histoire animée par différents courants de pensée
Instruire les citoyens tout au long de la vie
S’il est si difficile de proposer une définition unique de l’éducation populaire, c’est parce que « l’histoire de [l’éducation populaire] est intimement liée aux différents courants de pensées qui l’ont construite, chaque association, réseau, mouvement, actrice ou acteur qui s'en réclame [portant] une conception particulière plus ou moins explicite de ses missions, tâches et pratiques qui lui permettent notamment de répondre, à sa manière, aux questions de société », analyse le CESE dans son avis.
Il est toutefois admis que l’éducation populaire et l’idéal d’émancipation des individus par l’apprentissage qu’elle porte prend racine aux 18ᵉ et 19ᵉ siècle.
Mathématicien, philosophe des Lumières, élu député de Paris au sein de l’Assemblée nationale législative en 1791, Condorcet est tenu pour être l'un des principaux inspirateurs de l'éducation populaire. Rapporteur du Comité d'instruction publique, il est à l'origine d'un rapport sur l'organisation générale de l'instruction publique, présenté les 20 et 21 avril 1792.
Dans ce rapport, Condorcet affirme que l’instruction ne doit pas « abandonner les individus au moment où ils sortent des écoles » mais durer « pendant toute la durée de la vie ». Pour lui, seule l’instruction publique tout au long de la vie peut contribuer à rendre les citoyens maîtres de leur destin et, ainsi, à renforcer la démocratie.
Des courants variés
Au cours du 19ᵉ siècle, l’accès à l’éducation se généralise, d’abord avec l’adoption de la loi Guizot (1833), qui impose à toutes les communes de France la construction d’écoles primaires puis, un demi-siècle plus tard, par l’intermédiaire des lois Ferry qui rendent l'école gratuite (1881), l'instruction obligatoire et l'enseignement public laïque (1882).
C'est dans ce contexte que naissent les premières initiatives d'éducation populaire, qui se structurent autour de trois courants : un courant laïc et républicain, un courant chrétien et social et un courant ouvrier et révolutionnaire.
Le courant laïc et républicain se place dans la continuité des idées énoncées par Condorcet. Il est représenté par la Ligue de l'enseignement, qui voit le jour en 1866 sous la direction du journaliste et pédagogue Jean Macé. Objectif : œuvrer à la démocratisation de l’accès à la connaissance dans le but de construire une société plus juste, plus libre et plus solidaire, visant à l’émancipation de tous.
Le courant chrétien et social se structure de son côté autour du journal Le Sillon, fondé en 1894. Celui-ci devient dès 1899 l’organe d’un vaste mouvement d’éducation populaire visant à réconcilier les ouvriers et le christianisme, mais aussi l’Église et la République. Ce courant chrétien et social donnera naissance à plusieurs mouvements de jeunesse, dont certains toujours actifs de nos jours : la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne de France), en 1925, et la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne) devenue MRJC (Mouvement rural de la jeunesse chrétienne), en 1929.
Enfin, le courant ouvrier et révolutionnaire prend pour sa part appui sur les Bourses du Travail, fondées dans les années 1890, dans le but de développer des services d’entraide, de bibliothèques et de cours du soir destinés aux jeunes ouvriers afin de préserver la culture et les valeurs ouvrières.
L’éducation populaire, un secteur qui s'est institutionnalisé au fil des années
À partir des années 1920 et 1930, l’éducation populaire se structure et s’institutionnalise. Alors que le Front Populaire initie la semaine de 40 heures et les premiers congés payés, des mouvements d’éducation populaire se multiplient, grâce notamment à Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État aux Sports et aux Loisirs du gouvernement Blum.
Une ordonnance, en date du 2 octobre 1943, rendue applicable par l’ordonnance du 9 août 1944, donne naissance à l’agrément Jeunesse et éducation populaire (JEP). Cet agrément permet de réserver aux associations agréées le bénéfice éventuel de subventions. Actuellement, environ 18 000 associations bénéficient de cet agrément, que ce soit au niveau national ou départemental.
Les manifestations de Mai 1968 marquent un nouvel élan pour l’essor de l’éducation populaire. Le 27 mai 1968 est créé le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep), qui fédère les associations de Jeunesse et d’éducation populaire. Le Cnajep fédère aujourd’hui plus de 70 mouvements nationaux de jeunesse et d’éducation populaire, qui rassemblent près 100 000 associations locales.
À partir des années 1990, de nombreuses associations s’en réclamant, à l’image de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ), ou encore de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC).
En novembre 1998, le ministère de la Jeunesse et des Sports organise les Rencontres pour l'avenir de l'éducation populaire, qui initient de nouvelles réflexions autour de l’éducation populaire. En mai 2012 sera aussi créé un ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative, témoignant de l’attractivité toujours intacte de l’éducation populaire au sein de la société.
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