Décryptage

Migrations : définition, enjeux et éclairages

Publié le 19 juin 2024
Que signifie le terme « migrant·e » ? Existe-t-il un droit universel à la mobilité ? Tour d’horizon des enjeux et des principales notions à connaître dans le champ des migrations.

S'y retrouver dans la grande diversité de termes employés dans le champ des migrations

Migrant, immigré, réfugié… Que recouvrent ces termes ? Si certains disposent d’une définition précise et légale, d’autres peuvent refléter le positionnement politique de l’interlocuteur sur le sujet.

 

Selon l’Organisation des Nations-unies (ONU), le terme de migrant désigne « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer ».

 

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) définit pour sa part le terme de migrant comme « toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour s’établir à titre temporaire ou permanent et pour diverses raisons, soit dans une autre région à l’intérieur d’un même pays, soit dans un autre pays, franchissant ainsi une frontière internationale ».

 

Le terme de migrant se réfère à des populations aux situations variées. Pour l’OIM, ce terme « englobe un certain nombre de catégories juridiques de personnes bien déterminées, comme les travailleurs migrants, les personnes dont les types de déplacement particuliers sont juridiquement définis, comme les migrants objets d’un trafic illicite, ou encore celles dont le statut et les formes de déplacement ne sont pas expressément définis par le droit international, comme les étudiants internationaux ».

 

Le terme de migrant englobe par ailleurs toutes les définitions et situations suivantes :

Selon le Larousse, le terme étranger se réfère à quelque chose ou quelqu’un « qui est d'un autre pays, qui n'a pas la nationalité du pays où elle se trouve ». Pour l’Insee, « un étranger est une personne qui réside en France et ne possède pas la nationalité française, soit qu'elle possède une autre nationalité (à titre exclusif), soit qu'elle n'en ait aucune (c'est le cas des personnes apatrides) ». À noter qu’à la différence de celle d'immigré, la qualité d'étranger ne perdure pas toujours tout au long de la vie : « on peut, sous réserve que la législation en vigueur le permette, devenir français par acquisition », fait valoir l’Insee.

Le Larousse indique que le terme exilé « se dit de quelqu'un qui est condamné à l'exil ou qui vit en exil ; banni. ». Ce terme est parfois employé par le monde associatif pour éviter d’utiliser « migrant » ou « réfugié » et ainsi ne pas effectuer de distinction entre différents profils de migrants, et induire une hiérarchie entre « bonnes » et « mauvaises » raisons de migrer. Il englobe, selon l’association Médecins du Monde, « toute personne migrante ayant dû fuir son pays, pour quelque raison que ce soit, que celle-ci soit demandeuse d’asile ou non, statutairement réfugiée ou non ».

Le Larousse définit un expatrié comme une « personne qui a été expatriée, qui s’est expatriée » et relève que le terme « se dit d'un salarié qui exerce son activité dans un pays autre que le sien. » De façon plus subjective, ce terme est souvent employé pour évoquer une personne d’un pays du Nord, travaillant et habitant dans un autre pays.

Un demandeur d’asile désigne toute personne qui sollicite la protection internationale d’un pays, espérant obtenir le statut de réfugié.

Un immigré est une personne qui vit dans un pays autre que son pays de naissance. L’Insee définit un immigré comme « une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France » et relève que « les personnes nées Françaises à l’étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées » dans cette population. « La qualité d’immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s’il devient Français par acquisition. C’est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d’un immigré », souligne l’Insee.

Un réfugié est une personne qui a obtenu le statut de réfugié par un pays d’accueil, qui lui octroie la protection internationale. La Convention de Genève relative au statut des réfugiés défini un réfugié comme toute « personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Ce terme est employé pour qualifier les personnes contraintes de quitter leur région ou pays en raison de la dégradation de leur environnement ou d’une catastrophe naturelle liée au dérèglement climatique. Alors que l’ONU prévoit que 250 millions de personnes auront fui leur pays pour des motifs climatiques d’ici à 2050, le terme de réfugié ne possède pas de base juridique.

Si ces définitions permettent d’y voir plus clair, elles restent poreuses. Certains chercheurs et associations critiquent cette différenciation entre le « réfugié », qui fuirait son pays pour des raisons « valables », (conflits, craintes de persécutions politiques ou violences généralisées…) et le « migrant économique », qui migrerait pour des raisons moins légitimes (recherche de meilleures conditions de vie...). Outre cette qualification subjective entre une raison « légitime » ou non, comment tracer une frontière nette entre les deux ? La précarité économique peut par exemple engendrer des conflits pour l’accès aux ressources. La décision de migrer est souvent le produit de multiples causes (politiques, économiques, climatiques, personnelles…), intimement liées entre elles.

L'Avise utilise par convention le terme de « Migrant » en se basant sur les définitions de l'ONU et l'OIM cités ci-dessous. 

Un droit universel à la mobilité ?

La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 précise que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Cependant, le droit d’immigrer (entrer dans un pays) est de la compétence de l’État d’accueil, et varie selon les pays.

 

En France, le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), regroupe les dispositions législatives et réglementaires relatives au droit des étrangers. Les raisons justifiant l’autorisation d’immigrer peuvent être liées au travail, aux études, au regroupement ou réunification familiale, aux soins médicaux, au tourisme ou, cas plus spécifique, à la demande d’asile.

 

La Convention internationale de Genève, texte de droit international définissant le statut de réfugié

Adoptée le 28 juillet 1951, la Convention de Genève est le texte de droit international qui définit ce qu'est un réfugié, quels sont ses droits et les obligations des États signataires à son égard. C’est un texte juridique de référence, qui a été ratifié par 145 État parties ; ce document constitue aussi la base du travail du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU, organisation qui a un rôle de « gardien » de ce texte.

Est réfugiée toute personne ‘craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays […].
Préambule de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, entrée en vigueur le 22 avril 1954

État des lieux des migrations en France et dans le monde

En 2020, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) chiffrait à 281 millions le nombre de migrants internationaux dans le monde en 2020, soit 3,6 % de la population mondiale. Comment évaluer les migrations à l’heure actuelle ?

 

Les migrations dans le monde

L'OIM relève que le nombre de migrants internationaux a augmenté au cours des cinquante dernières années : on comptait en 2020 128 millions de personnes considérées comme migrantes de plus qu’en 1990, et plus de trois fois plus qu’en 1970. Selon l'ONU, les personnes considérées comme migrantes représentaient en 2020 3,6 % de la population mondiale.

 

Quelles sont les spécificités de cette population ? En 2020, l’ONU relevait que les femmes représentent 48 % du total des personnes migrantes au niveau mondial. Selon le portail sur les données migratoires, géré et développé par le Centre d'analyse de données migratoires mondiales (Global Migration Data Analysis Centre (GMDAC) de l'OIM, le nombre d’enfants migrants était estimé la même année à 38 millions. En outre, trois migrants sur quatre sont en âge de travailler et ont entre 20 et 64 ans. Enfin, environ 31 % de l’ensemble des migrants internationaux résident en Asie, 30 % en Europe, 26 % sur les continents américains, 10 % en Afrique et 3 % en Océanie.

 

État des lieux des migrations en France

En France, l'Insee chiffrait en 2022 à 7 millions le nombre de personnes immigrées vivant en France, soit 10,3 % de la population totale. L'Institut relève que 2,5 millions de personnes immigrées, soit 35 % d'entre elles, ont acquis la nationalité française.

 

La population étrangère vivant en France s'élève pour sa part à 5,3 millions de personnes, soit 7,8 % de la population totale. Elle se compose de 4,5 millions d'immigrés n'ayant pas acquis la nationalité française et de 0,8 million de personnes nées en France de nationalité étrangère. Enfin, 1,7 million de personnes sont nées de nationalité française à l'étranger. Au total, 8,7 millions de personnes vivant en France sont nées à l'étranger, soit 12,8 % de la population.

 

En 2020 selon l’ONU, les pays qui accueillent le plus grand nombre de migrants internationaux sont les États-Unis, l’Allemagne, l’Arabie saoudite, la Fédération de Russie, le Royaume-Uni et les Émirats arabes unis. La France arrive derrière ces pays et se place juste devant le Canada, l’Australie, l’Espagne et l’Italie pour l’accueil de migrants.

 

Selon un rapport publié en mai 2020 par la Cour des Comptes, « en 2019, la France a délivré 276 576 premiers titres de séjour à des ressortissants non européens. En augmentation de plus de 30 % depuis le début de la décennie, ces chiffres placent toutefois notre pays parmi les plus restrictifs en matière de séjour (3,72 titres accordés pour 1 000 habitants en 2016, contre 12,18 en Allemagne ou 7,65 en Espagne). À l’inverse, 154 620 demandes d’asile ont été enregistrées, plaçant la France dans la fourchette haute des pays de l’Union européenne et son système d’asile sous forte tension ».

 

Des barrières d’accès aux droits et à des conditions de vie dignes

Les parcours de migration diffèrent fortement selon le pays d’origine de la personne et son statut socio-économique. Les associations de protection des droits des personnes étrangères alarment régulièrement sur la situation humanitaire et le non-respect de leurs droits au cours des parcours de migration, à l’entrée du territoire français et au sein de celui-ci.

 

Les associations pointent notamment du doigt le refoulement aux frontières de personnes demandant l’asile, des mesures d'expulsion visant des personnes juridiquement protégées, le refus d’enregistrement de demandes d’asile ou de titres de séjour, le refus de scolarisation des enfants, etc. Autant de situations qui compliquent le quotidien de ces personnes et conduisent bien souvent à la formation de campements informels ou de squats et à des conditions de vie précaires, instables et insalubres, la faute à un accès limité à l’eau, à l’hygiène, à l’alimentation ou aux soins.

 

Se pose aussi la question du sort des mineurs non accompagnés (MNA) : enfants ou adolescents isolés, sans leur famille. Pour ces jeunes, qui bénéficient d’une protection particulière due à leur minorité – prise en charge par l’Aide à l’enfance -, le parcours peut s’avérer complexe pour faire reconnaitre leur minorité et bénéficier de cette protection. Ils sont nombreux à se retrouver dans des situations de grande vulnérabilité et de non-respect de leurs droits, comme le relève notamment l’association Médecins du Monde.

 

De quoi pousser les associations de défense des droits des migrants à tirer la sonnette d’alarme sur la complexification des lois et la réduction des droits des personnes migrantes par l’introduction, à chaque réforme, de mesures plus restrictives d’obtention de titres de séjours. Il est en effet aujourd’hui complexe pour une personne migrante de s’y retrouver dans la complexité du parcours administratif nécessaire pour régulariser sa situation.

Zoom sur... La Cimade

La Cimade a pour but de manifester une solidarité active avec les personnes opprimées et exploitées. Elle défend la dignité et les droits des personnes réfugiées et migrantes. Elle mène des missions d’accompagnement juridique et administratif, intervient dans 8 Centres de rétention administrative (CRA) et dans des prisons, et mène des travaux d’observation, d’analyse, de sensibilisation et de plaidoyer.

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